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Momo de la Casbah, une lumière méconnue dans les années sombres de l’Algérie

Par Chams H. D.

Rédigé par Chams H. D. | Lundi 2 Juillet 2012 à 00:00

           


Comédien mémorable du Théâtre national et du meilleur cinéma algérien dans les années 1970 et 1980, personnage incontournable des houleux débats d’alors à la cinémathèque d’Alger, poète, écrivain inspiré, Momo de la Casbah, autrement dit Himoud Brahimi, est l’une des célébrités les plus méconnues de ses contemporains.

Et pourtant Momo de la Casbah, mort en 1997 à Alger, est une légende en son pays, comme en témoigne Djafar Lesbet, architecte et Casbahoui lui-même : « Pour moi, il était "Memmou andou en N’fesse", ( peut rester longtemps en apnée). Il plongeait depuis le môle et se mettait en tailleur au fond de l’eau. On le regardait s’installer et on disait : "Memmou joue aux cartes avec Dieu". Cet exploit a fait de lui un personnage singulier de la Casbah. C’est le rôle que lui a confectionné et confié notre ami Zinet dans son film "Tahya Ya Didou". »


Momo de la Casbah, une lumière méconnue dans les années sombres de l’Algérie
En se rendant en Algérie sur les traces d’Isabelle Eberhardt dans les années 1980, Jean-René Huleu, auteur d’un hommage à Himoud Brahimi qui vient de paraître aux éditions numériques Chemins de traverse, a pu rencontrer cette légende et en découvrir la dimension plus secrète.

Marchant à ses côtés dans les ruelles tortueuses de la Casbah, considérée par Momo comme la métaphore de l’Algérie en souffrance sous le joug des « menteurs », échangeant de longues heures dans la douira (maisonnette) de Momo, sous le portrait inattendu du Christ en croix de Salvador Dali, il a peu à peu découvert que, au-delà des facéties dont Momo était coutumier pour désorienter ses contemporains, l’homme possédait une profondeur et une dimension insoupçonnée. Sur le plan politique, son goût de la vérité renvoyait les magouilleurs à leur mauvaise conscience et sur le plan spirituel son engagement solitaire sur la voie soufie a entraîné l’écriture de textes subtils auxquels peu d’Algériens ont eu accès à cause de la censure d’alors.

Momo dérangeait, car il avait conservé la mémoire des événements réels qui furent à l’origine de la fondation de l’Etat algérien, mais il dérangeait aussi par sa posture spirituelle, plus inspirée de la tradition des « fous » soufis, ces marabouts insolents dont parle si bien Emile Dermenghem dans son célèbre ouvrage Le Culte des saints dans l’islam maghrébin (Tel, Gallimard), que par une vision littérale et étroite de l’application de la sharia.

Pour Jean-René Huleu, ancien journaliste et essayiste, dont une grande partie du travail a été consacrée à la réhabilitation de l’écrivain francophone et algérien(ne) de cœur, Isabelle Eberhardt, Himoud Brahimi est devenu un maître spirituel, un passeur subtil vers la religion de l’islam, de ces êtres rencontrés rarement dans une vie et qui vous orientent à jamais sur le chemin de la vérité intérieure.

Son récit très personnel s’inspire des longues conversations tenues avec Momo, d’une riche correspondance entretenue au-delà de la Méditerranée pendant une dizaine d’années et d’un enregistrement réalisé dans un studio radio de Chateaudun, que Momo considéra alors comme une sorte de testament. Cet hommage rendu à un homme exceptionnel a ainsi pris la forme d’une ballade étrange dans le Paris des années 1950, que Momo fréquenta avec bonheur avant de revenir s’installer en son pays de naissance. Un témoignage unique sur la conscience algérienne malmenée par l’Histoire et sur l’engagement spirituel secret d’un soufi atypique se plaçant délibérément sur la voie de Vérité.


Le Fou de la Casbah, de Jean-René Huleu, Bouqineo.fr, 2012.
A lire également du même auteur, en collaboration avec Marie-Odile Delacour, Le Voyage soufi d’Isabelle Eberhardt, Ed. Joëlle Losfeld-Gallimard, 2008.




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