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Mohamed Moussaoui : UNE FORCE TRANQUILLE

Rédigé par Touré Cheikh | Mercredi 29 Juin 2005 à 00:00

           

« C’est une question de droit, nous utiliserons des méthodes de droit » répondait Mohamed Moussaoui aux services techniques de la mairie d’Avignon qui, gênés de devoir appliquer le droit abusif de préemption systématisé par une municipalité ne voulant pas de mosquée, lui répondaient toujours : « C’est une question politique, il faut mener une bataille politique ».



Mohamed Moussaoui
Mohamed Moussaoui

 

Surdoué et ouvrier de la foi

Docteur agrégé de mathématiques qui est désormais titulaire de son habilitation à diriger des recherches, professeur à l’Université d’Avignon, ce jeune imam pratiquant la khotba bilingue est un surdoué. Fils d’instituteur laïc, il apprend à lire par lui-même. Il entre à l’école à l’âge de cinq ans alors qu’il n’était là que pour accompagner son père venu inscrire son frère. Puis il finit major de sa promotion, en 1986, à l’Université Mohamed V de Rabat. Ce qui lui vaut l’honorable distinction de recevoir  une « Médaille du Roi et de la Révolution » qu’il n’est jamais allé chercher. Sa majesté souffrante n’ayant pas pu la lui remettre, il a du rejoindre Montpellier pour continuer ses études et recherches.

Depuis 1991, il réside à Avignon où il rejoint l’association, « l’essor culturel islamique », dans un préfabriqué marginal dans un quartier décentré : « la croix des oiseaux ». Deux préemptions plus tard, il participe activement à l’achat du terrain qui abrite la mosquée qu’il dirige et dont il a partiellement conçu les plans : la variété des accès et dessertes extérieures vaut le détour pour les bâtisseurs de cathédrales.

C’est même à cet intellectuel ouvrier de la foi que l’actuelle mosquée doit sa précieuse façade : « c’était par une nuit d’orage, à trois heures du matin, avec quelques hommes, nous avons dû accourir pour que l’édifice soit sec. C’était miraculeux » dit –il en précisant : «  je n’ai pas de mérite, c’est dieu qui m’a donné un père instituteur qui était aussi artisan. Quant à l’idée elle-même et l’exploit, c’est là encore dieu. Et puis il y a les autres ».

 

Session de rattrapage

A peine la quarantaine entamée, ce père de famille (trois enfants), a mis un point d’honneur à mettre la main à l’ouvrage. Loin de la bourgeoisie universitaire, il se retrouve parmi des ouvriers qui lui rappellent que sa place est entre ses enfants et ses étudiants: «  A l’âge trente cinq, le pas encore prophète Mohamed a participé à la construction de la Kaaba. Tous les hommes, sauf lui, mettaient des vêtements sur l’épaule pour se protéger la peau des lourdes pierres transportées. Il réédita le même exploit lorsqu’il dut se construire sa sainte mosquée de Médine. Le prophète, quant à lui, ne prenait sa pause qu’après épuisement et sous forme d’évanouissements assistés» réplique le vice-président du CRCM sortant à un coreligionnaire très manuel qui l’exhortait vivement au repos : «  si le prophète l’a fait, pourquoi devrais-je en être exempté ? » conclut-il.

Pour le CRCM, en dehors des compétences de l’institution elle-même ( lieux de culte, aumôneries, cimetières…), son programme est simple : « mon ambition est que les musulmans apprennent à travailler ensemble et dans leur diversité ». Son travail se veut exclusivement bénévole, et sa conception de l’effort désintéressé ne souffre pas d’exception : « Un jour de fin d’année, un étudiant de licence est venu m’offrir un paquet emballé en disant : « monsieur, j’ai tenu à vous faire un cadeau parce que vous m’avez appris tellement de choses au cours de cette année ». J’étais très désolé de devoir refuser parce que je n’avais rien autre chose que le sentiment d’avoir fait mon devoir et mon travail. Mais ma mémoire est habitée par cette histoire, et quelque chose qui n’est pas exactement le regret ni l’insatisfaction me revient souvent en mémoire. En plus, je ne me souviens plus du nom de l’étudiant ». Mais ce quelque chose qui travaille Mohamed Moussaoui, c’est sans doute  cette conscience à retardement que« son » prophète, lui, acceptait les cadeaux. Puisse ce surdoué, qui ne signale jamais son statut de docteur, trouver enfin sur la toile sa session de rattrapage.






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