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Points de vue

Loi de 1905 : mauvaises questions pour un vrai problème

Rédigé par Zarabes | Mardi 17 Janvier 2006 à 08:15

           

Non, la loi de 1905 n'a pas besoin d'un toilettage.
Oui, la construction des mosquées mérite une prise de conscience publique.



Mosquée implantée dans un quartier populaire de Joué-les-Tours (37)
Mosquée implantée dans un quartier populaire de Joué-les-Tours (37)
Après Stasi, Machelon[1] ...

Nicolas Sarkozy l'a dit en septembre 2005 à l'Académie des sciences morales et politiques, la loi de 1905, est "un bon texte, un texte fondateur, un texte important, un texte solide" mais malgré sa robustesse elle mériterait un " toilettage".

Pour appuyer ces déclarations il a réunit la commission Machelon : commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics qui doit analyser le problème et publier des propositions en juin 2006.

Jean Pierre Machelon est déjà sûr d'une chose : "Tous les cultes ont des motifs plus ou moins graves d'être insatisfaits du statu quo" (donc ce ne serait pas que l'islam ?) mais il ne tarde pas à poursuivre « il y a des sujets qui ne peuvent être évités, et ils ne seront pas évités » ...

Au passage on espère que l'utilisation (l'instrumentalisation) des intellectuels par Sarkozy suscitera moins d'amertumes que celle de Chirac. En effet, on entend désormais un des membres de la commission Stasi se plaindre "La loi du 15 mars n'était pas dirigée contre l'islam, s'insurge-t-il. Elle concerne tous les signes religieux, et pas seulement le foulard. C'est une loi d'émancipation !" - Le Monde du 11/12/05. Alors, Henri Pena RUIZ, volontairement naïf ou sincèrement manipulé ?


TOUS les financements étrangers ?

On nous fait donc croire que LE problème vient des financements étrangers. M Sarkozy affirmait ainsi "L'islam de France doit en effet être indépendant des puissances étrangères, quelles qu'elles soient"

Il est indéniable qu'il y a eu une participation de l'étranger et en particulier de la ligue islamique mondiale dans la construction de certaines grandes mosquées : Mantes, Evry, Lyon.

Mais on oublie trop souvent de citer le cas de la mosquée de Paris dont la construction a été financée par l'État français et que l'Algérie soutient désormais à bout de bras.

Donc il faut être clair sur la question on ne veut pas de CERTAINS financements étrangers et on ferme les yeux sur les autres.

Mais au-delà de ces petits arrangements entre amis sous couverts de grands principes on assiste à un aveuglement général sur les besoins réels.


Mosquées cathédrales...

Le problème majeur du financement se pose pour les mosquées cathédrales dont le besoin se fait sentir dans les grandes villes. A Marseille, Strasbourg, Bordeaux des projets sont effectivement en cours. Les hommes politiques (Bédier, Valls) qui se sont prononcés pour une analyse de la loi ont été confrontés à des mosquées cathédrales. Or si elles ont un caractère symbolique elles ne correspondent absolument pas au besoin de la majorité des musulmans.


... ou mosquées de proximité

L'écrasante majorité des projets correspondent en fait à des mosquées beaucoup plus petites ; il s'agit dans certains cas simplement de salles de prière décentes. Le facteur essentiel est la proximité des zones de résidences ce qui facilite grandement une fréquentation quotidienne. Plutôt qu'un grand minaret symbolique cachant le désert, la communauté a besoin de réponses rapides et pragmatiques à la réalité des caves.

Or les budgets pour ce genre de projets sont nettement moins onéreux et peuvent être sécurisés en misant sur un réseau de solidarité local voir régional. L'exemple récent de la mosquée Othmane de Villeurbanne est extrêmement révélateur. Ce projet conséquent, d'une capacité de huit cents personnes comprenant une bibliothèque et une école représentait un budget de 1 million d'euros. Or ce financement est à 100% français. L'exemple de ce projet initié 10 ans auparavant doit avant tout nous inciter à la persévérance plutôt que de succomber à une politique de la main tendue.


Pas de "barrière de verre"...

Mais le problème majeur c'est qu'une fois le financement assuré, de nombreux porteurs de projets font face à des acteurs locaux particulièrement récalcitrants voire de mauvaise foi. Certains maires font clairement valoir tous les recours en leur pouvoir pour bloquer certains projets car ils ne veulent tout simplement pas d'une mosquée visible sur leur commune.

Déjà en novembre 2000, cet aspect était clairement identifié dans le rapport du Haut Conseil à l'Intégration intitulé "Islam et République" et dirigé par Roger Fauroux :
Confrontées au premier chef aux problèmes que suscite l'enracinement de l'islam et aux réactions qu'il provoque, les collectivités locales apparaissent parfois désarmées, quand elles ne font pas preuve d'une hostilité plus ou moins affichée à laquelle les considérations électorales ne sont pas toujours étrangères. […] Pour pallier la mauvaise volonté des collectivités à délivrer des permis de construire les mosquées et salles de prière, il est parfois suggéré... - P61


C'est bien ce niveau de décision qui est généralement occulté. Au lieu de s'attaquer directement aux racines du problème, on nous promet une solution de fondation encore une fois venant d'en haut. Il serait ensuite facile de communiquer sur l'action entreprise en faveur des musulmans par une modification de la loi de 1905 obtenue de haute lutte...

Quand la mosquée côtoie les grands ensembles
Quand la mosquée côtoie les grands ensembles
... mais pas de cadeaux non plus

La construction de lieux de cultes doit donc d'abord être l'affaire des fidèles car leur responsabilité contient la garantie précieuse de leur autonomie. Les cadeaux qui sembleraient providentiels à certains n'ont jamais profité à l'émancipation d'une communauté.

Il faut oser le parallèle avec les propos de l'économiste Philippe CHALMIN (Le Monde 23/12/05). Son article intitulé « les matières premières sont une "malédiction" » évoque les déséquilibres que provoquent les rentes sur l'économie d'un pays. Et de poursuivre "les recettes en provenance des matières premières sont des facteurs de corruption ...". En matière de développement on sait déjà que la rente du pétrole est peut être la pire des choses qui soient arrivés à certains pays arabes.


Rentiers du culte ou porteurs de projets ?

Nous ne voulons ni notables, ni rentiers du culte ; image qui semble coller de plus en plus à l'action du CFCM. Nous avons besoins de pionniers qui portent des projets tout en ayant une vision à long terme pour dépasser le culte et poser dès aujourd'hui la question de notre contribution à la société française.

Même si elle est en progression, la situation du culte musulman est aujourd'hui encore déplorable. Mais c'est d'abord aux musulmans de travailler et de se battre pour se faire la place qu'ils méritent. Aucune loi ne sera là pour modifier les caricatures de plus en plus vivaces dans la société française : barbu = islamiste = terroriste potentiel. C'est une connaissance mutuelle et des actions concrètes dont les musulmans ont besoin... et dont ils sont capables.
 

L'Ile de la Réunion

L'histoire de la Réunion nous incite à faire preuve d'optimisme. En 2005, la communauté musulmane a en effet commémoré le centenaire de la première mosquée construite sur le sol français. Pour ces pionniers, la situation de 1905 n'était pas facile et le politique aucunement concerné. Mais ce fut avant tout une affaire d'hommes, motivés et partageant un même projet. Pourquoi serions-nous incapable de la même chose au 21ème siècle ?

Enfin, au-delà de ces explications et de la réalité du problème du culte musulman, il faut aussi rester lucide et savoir remettre ces pseudo-questions sur un vrai problème à l'aune des échéances de 2007. Certains y pensent et pas qu'en se rasant...

 

Enfin pour poursuivre :

Le blog de Jean BEAUBEROT et la catégorie "les_quinze_impenses_de_2005"

http://jeanbauberotlaicite.blogspirit.com/>

Le blog plein de soleil : http://zarabes.info/








Le blog plein de soleil : http://zarabes.info/








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[1] Jean-Pierre MACHELON e st professeur de droit public à l'Université René Descartes-Paris 5, où il dirige le Centre Maurice Hauriou et directeur d'études à l'École pratique des Hautes Études (Section des Sciences historiques et philologiques — chaire d'histoire des institutions européennes).








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