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Points de vue

Lettre ouverte de 50 intellectuels et parlementaires pour le droit de vote des étrangers au Président

Rédigé par Esther Benbassa et Sergio Coronado | Lundi 17 Décembre 2012 à 11:05

           


Monsieur le Président,


Généreuse, la République se doit de donner de nouveaux moyens d’expression à ceux qui prennent part, au quotidien, à la vie de la Cité, qui contribuent à ses ressources, et qui respectent ses lois. Terre d’accueil, la France se doit de tenir compte des racines créées, par-delà la nationalité, par ceux qui y vivent depuis des années, parfois depuis des décennies. Pluriel, notre pays se doit de reconnaître un nouveau type de citoyenneté, qui ne soit pas uniquement le fruit de la nationalité.

L’extension du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non européens concernerait environ 2,3 millions d’étrangers, dont 1,8 million y résidant depuis plus de cinq ans. En 1981, François Mitterrand, alors candidat à l’élection présidentielle, la proposait déjà. En 2012, vous-même, à votre tour candidat, vous repreniez cet engagement à votre compte.

Ce droit est l’aboutissement du cheminement naturel de la démocratie. Il constitue également un facteur de renforcement de la cohésion sociale. Et il est susceptible d’avoir des effets positifs sur la participation électorale des enfants français de ces étrangers. Son adoption permettrait enfin de mettre un terme à des asymétries choquantes entre les étrangers non européens, qui sont parfois résidents de longue date sur le sol français, et les étrangers communautaires, disposant eux, sans condition de durée de résidence, du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales.

Les étrangers qui y accéderaient ne pourraient pas exercer de fonctions exécutives au sein d’un conseil municipal et les conseillers municipaux étrangers élus ne pourraient pas participer à l’élection des sénateurs.

Ce droit, adopté en 2000 à l’Assemblée nationale, a été voté par le Sénat le 8 décembre 2011, un peu plus de deux mois après son basculement à gauche, le 25 septembre 2011. Ces prises de position parlementaires s’inscrivent dans le sillage des appels lancés régulièrement depuis les années 1980 par des associations antiracistes institutionnalisées, tels la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) ou le Mouvement contre le racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), et de la mise en place, dans de nombreuses municipalités, de dispositifs d’association des résidents étrangers à la vie locale. Des vœux ont également été régulièrement adoptés, en faveur du droit de vote et d’éligibilité des étrangers dans les conseils municipaux, généraux et régionaux, dès 2001. Et des référendums locaux ont enfin été organisés, autorisant la participation des ressortissants étrangers. Sans oublier l’inscription de ce droit dans le programme de plusieurs partis de gauche.

Maintenant que la France a en vous un président de la République socialiste, il est temps de reprendre politiquement en main le dossier, et d’engager le processus de révision constitutionnelle.

Pour cela, l’option la plus favorable serait la préparation par le gouvernement d’un projet de loi, soumis aux deux chambres séparément, puis au Congrès (députés et sénateurs réunis). Pour que la révision constitutionnelle soit définitivement adoptée, elle devra emporter au moins les trois cinquièmes des voix du Congrès. Il risque pourtant d’en manquer une quarantaine.

Lançons donc une campagne pour convaincre les élus hésitants. Allons chercher, au Parlement, les voix manquantes une par une. Montrons que la politique est aussi l’art de convaincre, et que la démocratie ne peut que gagner à un tel combat. Il ne serait pas raisonnable de reporter à 2014 l’éventuel octroi à nos résidents étrangers non européens d’un droit qu’ils attendent depuis si longtemps. Ils méritent de notre part ce geste fraternel, hautement symbolique, mais aussi utile à la société, ne serait-ce que par son caractère résolument inclusif en des temps où les replis religieux, ethniques, communautaires se font de plus en plus visibles. Voter, c’est se responsabiliser, et dire non à l’enfermement dans les marges.

Ensemble, députéEs, sénateurs et sénatrices, éluEs de tous rangs, ministres, chef de gouvernement, et jusqu'au plus haut représentant de l'Etat que vous êtes, Monsieur le Président, faisons de notre conquête des voix une mission républicaine. Montrons que nous sommes encore capables de porter haut et fort nos valeurs de gauche pour une société du vivre ensemble.

Parlementaires intellectuelLEs, citoyenNEs, c’est aujourd’hui, dès maintenant, que nous avons le devoir de construire la France de demain.

Nous comptons sur vous, Monsieur le Président.

Esther BENBASSA, sénatrice (EELV) du Val-de-Marne et rapporteure au Sénat de la proposition de loi sur le droit de vote et d’éligibilité des étrangers, et Sergio CORONADO, député (EELV) des Français établis hors de France.

Pour signer la pétition

Premiers signataires :
Jean-Christophe ATTIAS, directeur d’études à l’EPHE (Sorbonne) / Nicolas BANCEL, historien, professeur à l'Université de Lausanne / Esther BENBASSA, sénatrice (EE-LV) du Val-de-Marne / Pascal BLANCHARD, historien, LCP, CNRS / Pascal BONIFACE, géopolitologue / Daniel BORRILLO, maître de conférence à l’Université Paris X / Jean-Paul CHAGNOLLAUD, professeur des Universités / Marc CHEB SUN, éditorialiste / Pascal CHERKI, député (PS) de Paris / Sergio CORONADO, député (EE-LV) des Français établis hors de France / Denis CROUZET, professeur d'histoire à l'Université Paris-Sorbonne / Elisabeth CROUZET-PAVAN, professeur d'histoire à l'Université Paris-Sorbonne / Cécile CUKIERMAN, sénatrice (CRC) de la Loire / Geoffroy DE LAGASNERIE, philosophe / Michel DELEBARRE, maire de Dunkerque, sénateur (PS) du Nord / François DE RUGY, député (EE-LV) de Loire-Atlantique, co-président du groupe écologiste à l'Assemblée nationale / Christine DELPHY, directrice de recherches au CNRS / Didier ERIBON, professeur à l'Université d'Amiens / Christian FAVIER, président du Conseil Général et sénateur (CRC) du Val-de- Marne / Eric FASSIN, sociologue, Université Paris 8 / François GEZE, éditeur / Jérôme GUEDJ, député (PS) de l’Essonne / Razzy HAMMADI, député (PS) de Seine-Saint-Denis / Stéphane HESSEL / Philippe KALTENBACH, sénateur (PS) des Hauts-de-Seine, maire de Clamart / Bariza KHIARI, sénatrice (PS) de Paris / Michel KOKOREFF, professeur de sociologie, Université Paris 8 / Jean-Yves LECONTE, sénateur (PS) des Français établis hors de France / Olivier LE COUR GRANDMAISON, universitaire / Marie-Noëlle LIENEMANN, sénatrice (PS) de Paris / Daniel LINDENBERG, professeur de sciences politiques, écrivain / Roger MADEC, sénateur (PS) de Paris, maire du 19ème arrondissement de Paris / Noël MAMÈRE, député (EE-LV) de la Gironde / Gilles MANCERON, historien / Caroline MECARY, avocate au barreau de Paris, co-présidente de la fondation Copernic / Michelle MEUNIER, sénatrice (PS) de la Loire-Atlantique / Jean-Pierre MICHEL, sénateur (PS) de la Haute-Saône / Jean-Vincent PLACÉ, sénateur (EE-LV) de l’Essonne, Président du groupe écologiste du Sénat / Barbara POMPILI, députée (EE-LV) de la Somme, co-présidente du groupe écologiste à l'Assemblée nationale / Mabrouck RACHEDI, écrivain / Richard RECHTMAN, directeur d'études à l'EHESS / RIDAN, auteur-compositeur / Barbara ROMAGNAN, députée (PS) du Doubs / Patrick SIMON, directeur de recherche à l’INED / Benjamin STORA, professeur des universités / Lilian THURAM, président de la Fondation Education contre le Racisme / Vincent TIBERJ, sociologue à Sciences Po / Enzo TRAVERSO, professeur de science politique à l'Université d'Amiens / Dominique VIDAL, historien et journaliste / Sophie WAHNICH, historienne, directrice de recherche au CNRS, IIAC-TRAM de l'EHESS





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