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Economie

Les patrons musulmans ont désormais leur syndicat

L'entrepreneuriat à l'aune de l'éthique

Rédigé par Haroun Ben Lagha et Huê Trinh Nguyên | Vendredi 19 Juin 2009 à 09:00

           


Des patrons jeunes et nombreux

L'absence de données économiques pointues n'a en rien entaché l'enthousiasme des participants. Issu d'horizons professionnels divers − communication, informatique, fiscalité, avec une prédominance dans le secteur alimentaire et celui de la restauration −, le public, nombreux, est plutôt jeune.

Youssef et Azzedine, 27 et 36 ans, sont dirigeants d'une agence de communication et de création graphique. Abdesamad et Khali, tous deux trentenaires, sont associés d'un restaurant de gastronomie italienne. Pour eux, il est important que « les musulmans se réunissent ». « Auparavant, il y a eu plusieurs communautés : turque, indo-pakistanaise, sikh, juive... » Il s'agit maintenant de « parler d'une seule voix », dans le cadre d'un « projet d'unité ». Car « il faut tirer vers le haut » les gens de la communauté.

L’union, c’est bien, mais Saadia, 27 ans, commissaire aux comptes, déplore que « le nombre de femmes présentes se compte sur les doigts de la main ». « On se sent un peu exclues. Or cela motiverait de nous rencontrer pour créer des entreprises, expérimenter ensemble. » Tandis que Dalila, membre d'une agence matrimoniale, est venue par simple curiosité, Salwa, 28 ans, dans le secteur du transport, voulait en connaître plus sur la création d'entreprise.

Un réel engouement

Malik, 29 ans, responsable marketing d'une marque de café bien-être, voit le syndicat comme une manière de « donner du poids à la communauté ». II corrobore l'idée d'une certaine islamophobie ou du moins d’un racisme larvé lors de ses démarches administratives : « À la chambre de commerce, il nous décourage du fait que nous soyons "étrangers". Mais nous, on est Français, on est éduqué, et on ne peut accepter la seule alternative : soit t'es à l'usine, soit t'es voyou. » Or, d’après Malik, « les dirigeants musulmans doivent être perçus comme des exemples de réussite ».

« Auparavant il y avait l'Association des travailleurs maghrébins de France. Aujourd'hui, on a la SPMF », fait remarquer M'hamed, chef de projet d'une agence de communication. « Le "m" de "musulman", on sent une évolution... »

« En regroupant les musulmans au sein d'un syndicat, on nous donne les moyens de nous entreconnaître. À la place de la politique du coude au coude, on met en œuvre celle du coup de main », se réjouit Ali, 29 ans, gérant d'un restaurant.

« Franchement, très bien », renchérit Mohamed, 25 ans, commercial pour la France d'une entreprise de charcuterie basée en Belgique. « C'est la première pierre de l'édifice. Chacun, de notre côté, on pensait le faire. Les fondateurs de la SPMF ont eu l'audace de fonder un syndicat, maintenant les gens vont suivre », prédit-il.

« On manque de conseils, raconte Hicham, 27 ans, commercial d'une marque de café. Le syndicat répond à un réel besoin. » « J'en attends que du bien », conclut Adil, 35 ans, gérant d'une entreprise de transport de marchandises, partageant pleinement l'engouement général.

Les patrons musulmans ont désormais leur syndicat

Solidarité et connaissance du terrain

Entraide, tel est le maître mot de la SPMF. Mais pourquoi mettre en place des formations ou du conseil alors qu'il existe déjà une pléthore d'organismes tous plus rôdés les uns que les autres sur la création d'entreprises telles l'APCE (Agence pour la création d'entreprise), l'ADIE (Association pour le droit à l'initiative économique) ou les boutiques de gestion au nombre de 400 sur l'ensemble du territoire national ? « En tant qu'entrepreneur, on nous met des bâtons dans les roues. C'est une réalité », explique le secrétaire général Nabil Djedjik. « On essaie d'aider nos frères. La demande existe. Notre valeur ajoutée, c'est la connaissance du terrain. »

La SPMF, nouveau partenaire sur l'échiquier social

La SPMF rejoint ainsi une nébuleuse syndicale très riche sur le plan national. Tous les domaines allant du commerce à l'apiculture, en passant par le cirque et l'édition, ont leurs représentants au sein des organisations patronales. Comment le syndicat des patrons musulmans va-t-il réussir à s'insérer dans le grand échiquier des influences et des intérêts des patrons français ?

Pour l'heure, aucun dialogue n'est engagé avec les monuments que sont le MEDEF (Mouvement des entreprises de France), la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises), ou bien encore la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), un syndicat fondé en 1919 se référant éminemment à la morale sociale chrétienne et revendiquant plus de 132 000 adhérents. De la part d'un syndicat musulman s'appuyant sur des fondements religieux, une réflexion commune sur l'éthique et le monde de l'entreprise pourrait en effet être envisagée... Autre exemple : quelle pourrait être son action de lobbying concernant la question de l'abattage rituel au niveau européen ?

« Si la SPMF ambitionne de devenir une force de proposition politique, économique et sociale, la priorité est d'abord de nous organiser », explique Nabil Djedjik. Ainsi, l'association prévoit de réunir pour sa première année d'existence environ 70 entreprises. Seules sont affiliées les entreprises, et non pas leurs dirigeants directement. La cotisation s'élève à 600 euros par an ou à 300 euros si l'entreprise a moins de six ans d'existence. « Ce qui, rapporté aux cotisations demandées par les autres syndicats, reste abordable », précise le président Habib Djedjik. « Pour intégrer l'une des nombreuses organisations patronales françaises en effet, il faut généralement débourser de 0,5 à 1% du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise. »

À l'issue de la soirée, nombre de convives envisageaient d'adhérer à la toute nouvelle SPMF.



Site de la SPMF (Synergie des professionnels musulmans de France).

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