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Société

Les 4 millions de musulmans de France loin du communautarisme

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mardi 23 Juillet 2013 à 06:05

           

Les musulmans de France restent attachés à leur religion. Une forte religiosité qui ne les empêche pas d’être ouverts aux autres, fait savoir l'Institut national d'études démographiques (Ined), qui vient de publier une nouvelle étude sur la religiosité des immigrés et de leurs descendants. De nouvelles estimations sur le nombre de fidèles à l'islam y sont délivrées.



Les 4 millions de musulmans de France loin du communautarisme
« Sécularisation ou regain religieux : la religiosité des immigrés et de leurs descendants »: c’est le titre du nouveau rapport publié en juillet par l’Institut national d'études démographique (Ined). Ses auteurs, Patrick Simon et Vincent Tiberi, ont voulu s’intéresser à la religiosité des personnes issues de l’immigration dans une France laïque.

Pour cela, les deux chercheurs se sont appuyés sur les résultats de l’enquête « Trajectoires et origines, enquête sur la diversité des populations en France » (TeO) réalisée entre septembre 2008 et février 2009 par les enquêteurs de l’INSEE auprès de 21 000 personnes, dont 9 000 immigrés et 9 000 descendants d’immigrés.

4,1 millions de musulmans

Premier constat : l’islam représente la première religion des immigrés en France. Il se place « loin devant le catholicisme », indique l’Ined. Ce sont ainsi 43 % des immigrés et 45 % de leurs descendants qui se sont déclarés musulmans contre respectivement 26 et 27 % catholiques.

« Les immigrés venant du Maghreb, de Turquie et d’Afrique sahélienne sont dans plus de 90% des cas musulmans lorsqu’ils déclarent une religion, tandis que les immigrés d’Europe du Sud sont catholiques. Les originaires des DOM sont très majoritairement Catholiques, avec une minorité croissante de Protestants », est-il précisé. Par ailleurs,« la communauté juive d’Afrique du Nord est essentiellement perceptible dans l’enquête parmi les descendants d’immigrés originaires du Maroc et de Tunisie (6% se déclarent de religion juive) ».

Le nombre de musulmans suscite bien des fantasmes chez ceux qui crient à l’islamisation. Face à cela, les chercheurs de l’Ined, qui avaient déjà estimé le nombre de musulmans à 2,1 millions en 2011 donnent une nouvelle estimation.

« Nous avons réalisé cette estimation pour les musulmans, compte-tenu des débats récurrents sur le nombre de musulmans en France et des chiffres plus ou moins fantaisistes qui circulent à ce propos », indiquent-ils. « En retenant plusieurs hypothèses pour les groupes d’âges non couverts par l’enquête, on obtient des estimations variant entre 4,3 millions de musulmans et 3,98 millions, soit, pour reprendre l’hypothèse moyenne, 4,1 millions en France tous âges confondus », loin des 5 à 6 millions avancés régulièrement.

La première estimation de 2011 ne prenait en compte que les personnes âgées entre 18 et 50 ans. Le nombre de musulmans âgés entre 18 à 60 ans est évalué à 2,4 millions, note l’Ined.

4 % de « musulmans culturels »

D’une manière générale, l’étude montre que les immigrés et leurs descendants - « plus des trois-quarts » - sont beaucoup plus nombreux à suivre une religion que la population française. Ainsi, 19 % seulement des immigrés se déclarent sans religion contre 49 % de la population majoritaire.

Par ailleurs, les musulmans se démarquent par une religiosité encore plus forte comparée à la majorité des autres groupes religieux. Alors que 31 % des personnes élevées dans une famille dont l’un des parents est catholique rompent avec la religion, seulement 13 % et 12 % de ceux élevées respectivement par des parents chrétiens orthodoxes ou musulmans abandonnent leur religion. Près de la moitié des musulmans (49 %) déclarent avoir une « forte religiosité ». Ils sont 43 % chez les juifs mais plus que 9 % chez les catholiques. « Il est plus fréquent aujourd’hui de se définir comme "catholique culturels" (25 %), c’est-à-dire de se déclarer catholique mais ne pas y accorder d’importance, que comme "musulman culturel" (4 %) », peut-on lire dans l’étude.

« Les plus "communautaires" ne sont pas ceux que l’on croit »

Plus religieux, les musulmans se montrent ainsi les plus attachés au mariage. « Alors que moins de 10% des moins de 26 ans sont mariés, 40 % des musulmans de ce groupe d’âge ont officialisé leur union ».

Attachés à leur religion, ils restent cependant ouverts aux autres. « Les taux d’homophilie religieuse calculés pour les seuls réponses exprimées montrent que des 3 groupes étudiés (catholiques, musulmans et athées, ndlr), les musulmans sont les moins homophiles », note l’Ined. En clair, ce sont eux qui ont le plus d’amis n’ayant pas la même religion qu’eux. A l’inverse, « les athées fréquentent ainsi plus souvent des personnes sans religion comme eux. D’une certaine façon, les plus "communautaires" ne sont pas ceux que l’on croit », constatent les chercheurs. Les préjugés tenaces sur le « communautarisme musulman », régulièrement brandi par les responsables politiques pour appuyer une peur de l'islam, sont balayés par les statistiques.

Le regain de religiosité des jeunes Français issus de l’immigration est souvent analysé avec méfiance. « Mais il n’y a pas une rupture générationnelle qui signalerait un rapport plus intense à la religion chez les jeunes nés en France, mais plutôt une affirmation plus grande de la religion parmi les populations immigrées depuis les années 1980 qui s’inscrit dans un mouvement plus global d’évolution de la fonction de la religion dans les pays musulmans », analysent MM. Simon et Tiberj.

Ces derniers constatent que leurs données « tendent à relativiser les thèses de repli identitaire ». Si l’attachement religieux d’une majorité de musulmans est certain, leur ouverture d’esprit et leur implication dans la société sont tout aussi forts.

Télécharger l'étude « Sécularisation ou regain religieux : la religiosité des immigrés et de leurs descendants» :






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