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Economie

Le coût du week-end islamique

Rédigé par OURABAH Sofiane | Vendredi 2 Mai 2003 à 00:00

           

Les principaux pays musulmans qui ont choisi de chômer le jeudi et vendredi sont nombreux: Arabie saoudite, Égypte, Libye, Soudan, Syrie, Yémen... L'Algérie est actuellement au cœur d'un débat sur les avantages comparatifs des week-ends musulmans et  occidentaux. Selon la majorité de la population algérienne ce débat n'est qu'une pure futilité. L'idée de décaler le repos hebdomadaire pour 'copier' le reste du monde fait sourire.
Mais les faits sont là. En effet, le pays peut y gagner en terme de croissance économique, au moins un point de croissance selon la Société financière internationale, une filiale de la Banque mondiale chargée du secteur privé.



Les principaux pays musulmans qui ont choisi de chômer le jeudi et vendredi sont nombreux: Arabie saoudite, Égypte, Libye, Soudan, Syrie, Yémen... L'Algérie est actuellement au cœur d'un débat sur les avantages comparatifs des week-ends musulmans et  occidentaux. Selon la majorité de la population algérienne ce débat n'est qu'une pure futilité. L'idée de décaler le repos hebdomadaire pour 'copier' le reste du monde fait sourire. Mais les faits sont là. En effet, le pays peut y gagner en terme de croissance économique, au moins un point de croissance selon la Société financière internationale, une filiale de la Banque mondiale chargée du secteur privé.


« En changeant les jours du week-end, l’Algérie gagnerait entre un point et un point et demi de croissance. »

Selon un représentant de la Société Financière Internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale chargée du secteur privé, il est clair, après étude, qu'en « changeant les jours du week-end, l’Algérie gagnerait entre un point et un point et demi de croissance. »

L'information est tombée à la fin de l'année 2002,  mais le débat est chaudement relancé aujourd'hui, débat d'autant plus important dans un contexte économique et social mondial désastreux. Il est à savoir que le PIB algérien, variable selon les cours du pétrole, avoisine les 50 milliards de dollars annuel (environ autant en euros). L’affirmation  du représentant de la  SFI évalue entre 500 millions et 750 millions de dollars par an le coût du repos hebdomadaire le jeudi et le vendredi, au lieu du samedi et du dimanche, comme ces voisins occidentaux ou maghrébins et ses principaux partenaires économiques.


Le débat sur le week-end musulman

L'économie mondiale vit au rythme des jours ouverts du lundi au vendredi inclus, les samedis et les dimanches étant chômés. Autrement dit, les jours où le commerce international tourne à plein régime, l'Algérie (et certains pays musulmans) n'en profite pas. En effet, les lundis, mardis et mercredis sont les seuls jours où les travailleurs du reste du monde peuvent contacter leurs homologues en terre musulmane.

A Alger, le débat sur les avantages comparatifs du week-end à l'européenne ne passionne pas le citoyen algérien classique. « On manque d'électricité, d'eau, de téléphone, de routes, de logements et vous venez nous interroger sur le changement éventuel de week-end ! » Certain diront même : « Vous êtes certain qu'on vous a demandé d'enquêter sur cette futilité ? Pourquoi ne pas vous préoccuper du chômage et des réformes ? » Ceci nous permet de déduire que si le coût du week-end algérien avait réellement été catastrophique, le peuple s'y serait intéressé, or ce n'est pas le cas.


Cependant,  Le président Bouteflika prend le problème à cœur et au sérieux, il  vient de répéter publiquement qu' « il fallait accrocher l'Algérie à l'international. Cela passe aussi par la normalisation des jours de repos. Songez que pour nous, les banques, il n'y a ici que trois jours véritables de travail, lundi, mardi et mercredi. Venez le jeudi, vous verrez : l'activité est archi réduite. » (Economia, nov 2002)

Donc il y'a comme un air de reforme en vue. Cette volonté du gouvernement de changer le week-end existe réellement. Il pense que les Algériens s'habitueront très certainement sans mal à un retour du week-end occidental. Mais le problème est double, il y a une incertitude de volonté de changement de la part des algériens et le demi ou le point supplémentaire sur le PIB n'est pas garanti. Ce résultat escompté mitigé est justifié par une étude menée par la SFI, réflexion qui pourrait être peu crédible du fait qu’elle n'est pas reconnue par l'Etat algérien. Les Algériens restent septiques : « Je n'ai jamais vu d'étude chiffrée sur la question et s'il y en avait eu, je le saurais », martèle Abdelwahid Bouabdallah, président de la Commission des affaires économiques à l'assemblée populaire nationale


Donc le point de croissance au minimum avancé par la SFI étonne. Cette organisation internationale a-t-elle vraiment laissé ses services étudier officiellement la question ? Cette forme de critique des décisions culturelles de pays à majorité musulmane constituerait indubitablement une faute. En prenant des précautions, un 'expert' a pu se permettre, à titre personnel, d'émettre un avis. Lorsque l'on prend la température dans la rue, il est donc clair que les avis tendent au refus d'imiter le reste du monde. Mais les entrepreneurs et en particulier les responsables du secteur bancaire pensent différemment. Ils voudraient décaler le week-end.


Quelle est  l'impact du week-end islamique  sur l'économie algérienne ?

Si les échanges internationaux et commerciaux (notamment les matières premières) peuvent plus ou moins s'adapter aux jours de congés actuels en Algérie, en revanche pour le secteur bancaire ce sera plus difficile. Fathi Mestiri, de BNP-Paribas, pour sa part, tente une approche chiffrée: « Peut-être 10 % du chiffre d'affaires. Mais dans le seul secteur des banques, qui est le plus exposé dans cette affaire. Peu de conséquences pour le pétrole ni pour l'industrie qui produit pour le marché intérieur. » Sa conviction repose sur d'autres critères, notamment celui de la productivité des salariés. En bref, ils travaillent peu les jours où le reste du monde se repose, car ils ne sont pas sollicités. Si bien que le temps de travail réel  avec le reste du monde n'est que de quatre jours environ. Puis d'un avis plus subjectif, sans chiffre à l'appui il affirme « cela donne de mauvaises habitudes: à 17heures, tout le monde est parti !  Le constat concerne surtout le personnel administratif et commercial. Celui, justement, dont on a besoin pour « accrocher l'Algérie a l'international ».

L'Algérie paraît donc en mesure de revenir au week-end « universel ». Il n'est toutefois pas certain que la décision sera prise rapidement : bien d'autres dossiers la devancent, à commencer par la loi sur les hydrocarbures ou la réforme du système bancaire.

Le seul parti musulman modéré ne s’est pas prononcé directement sur cette éventuelle réforme. Sans compter l’élection présidentielle, qui pointe son nez. Cependant, l'effet positif du à la suppression du week-end prônée par la filiale de la Banque mondiale est à prendre avec des pincettes. Comme son homologue, le FMI, les  politiques et les propositions de la banque mondiale sont  très critiquées par la communauté internationale. D'autant plus que l'on sait aujourd'hui que l'Algérie reste largement contrainte par des perspectives de croissance assez faibles, du fait que  ce pays ait suivi les politiques d'ajustements structurels prônées par le fond monétaire international,  ne semblent pas leur avoir permis d'accroître leur potentiel de croissance à long terme.


La Banque mondiale semble proposer  comme seule alternative au  gouvernement algérien de sacrifier le week-end actuel  pour  un demi-point ou un point maximum. Mais la Banque mondiale comme le F.M.I., nous ont montré que leurs fameuses politiques n'aboutissaient qu'à des échecs. Leurs solutions ne tiennent jamais compte de l'environnement social, culturel et dans le cas de l’Algérie : cultuel. Des solutions plus raisonnables que celles proposées par la filiale de la banque mondiale existent. En effet, certains pays ont adopté récemment une solution intermédiaire, où le vendredi et le samedi sont considérés comme des jours de repos. C'est notamment le cas de Brunei ou la Mauritanie. L'Algérie gagnerait un jour de plus en terme de relation économique et financière avec le reste du monde et les fidèles musulmans (plus de 95 % de la population) pourraient pratiquer leur culte hebdomadaire. N'est-ce pas plus rationnel que les propositions de la Banque mondiale ?


NB : * L'islamisation du week-end s'est effectuée en août 1976, lorsque Boumedienne régnait d'une main de fer et avait décidé de supprimer toute trace d'occidentalisme dans son pays.





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