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Société

La fête de la Médersa des femmes

Rédigé par Amara BAMBA | Mardi 7 Avril 2009 à 08:13

           

La Médersa des femmes s'est approprié la rue Maréchal Leclerc ce dimanche 5 avril. Au cœur de St Denis (97), les musulmanes ont dressé leurs stands et le public a répondu à l'appel. Pour Madame Mollan, enseignante à la Medersa des femmes, il s'agit « à la fois d'inviter les familles à un moment festif et de collecter des fonds pour la rénovation des locaux de la Médersa Hidayatoun Nissa », la Médersa des femmes.



La fête de la Médersa des femmes
Une ambiance de kermesse

D'une dégustation de gâteaux on passe par une librairie en plein air pour se retrouver dans une « boutique de vêtements ». On se dit Salam, on s'embrasse, on papote un instant, puis on continue son petit tour tranquille. Celles qui le souhaitent peuvent se refaire une beauté au stand maquillage. Non, loin de là, on s'accorde une petite fantaisie en forme de cœur tatoué sur le visage. Le hijab sur la tête, un tatouage sur la joue, il reste les mains à offrir pour une séance de henné. A la fête de Hidayatoun Nissa, les femmes se font belles.

Sous l'un des stands cependant, il n'y a aucune femme en vue; pas même une fillette. Au centre de ce cercle masculin, un écran 17 pouces magnétise tous les regards. Et soudain, l'audience éclate en joie. C'est le stand de jeux vidéos. Une compétition est en cours. Pour cinq euro, on peut s'inscrire et affronter des adversaires dans un tournoi sans merci.

Au stand d'en face, les choses sont plus simples. On paye deux euro ou trois, on tire un ticket. Tous les tickets sont gagnants; la surprise est dans le paquet. Non loin de là, les plus jeunes vont à la pêche aux canards en plastique. Et comme le geste n'est pas encore assuré pour tenir la canne, Maman peut donner un coup de pouce. L'essentiel est dans l'éclair qui illumine le petit visage quand il reçoit son cadeau. Hidayatoun Nissa est généreuse.

Pas de stand de professionnel. « Les tableaux sont faits par une élève de la Médersa... Elle n'est pas professionnelle, elle le fait pour la Medersa » nous explique-t-on au stand de calligraphie arabe. Un lot de CDs tient la vedette sur un autre étale. « C'est un CD du Coran et de chants religieux », explique Djamil. « C'est la contribution des enseignants du Coran à l'effort des soeurs de la Médersa. Tous les lecteurs, sont des enseignants et des élèves de La Réunion avec une superbe introduction de l'imam Mohamed Bhagatte ( ndr, de la Grande mosquée de St Denis (97) » conclut-il.

Ouverte dès 8 heures, la fête de Hidayatoun Nissa battait son plein en début d'après midi. La restauration était assurée. Des grillades, des gâteaux sucrés ou salés. Mais, incontestablement, le plat phare était le Briani. A base de riz et d'épices, le Briani est en Inde ce que le couscous est au Maghreb : une tradition culinaire où chacun y va de sa touche personnelle. Au poulet ou à l'agneau il fallait de la patience pour avoir son Briani chaud. Les plus prévoyants avaient passé commande par téléphone.

La fête de la Médersa des femmes
Hidayatoun Nissa

Quant on parle de « La Médersa de St Denis », l'on pense à la « Médersa Taalimoul islam ». Première école musulmane sous contrat d'association avec l'État, « La Médersa Taalimoul islam » est une école primaire fondée en 1847.

« Hidayatoun Nissa existe depuis une quinzaine d'années » explique Mme Mollan. « Au début c'était informel, juste pour aider les sœurs. Ça se passait à domicile. Celles qui ont étudié la religion expliquaient aux autres. Il n'était pas question de fonder une école. Nous avons continué à donner des cours, à accueillir les femmes. Beaucoup de femmes converties à l'islam et qui n'avaient pas grandi dans la religion. Aussi des femmes qui n'avaient pas eu l'occasion d'étudier la religion et qui voulaient apprendre ou approfondir leurs connaissances. Nous, les femmes, nous sommes généralement discrètes. Nous ne parlions pas de ce travail. C'est bien la première fois que j'explique toute cette histoire à un journaliste... »

Avec le succès des cours privés, il fallut trouver un lieu dédié à ces rencontres. Ce fut un appartement au premier étage d'un immeuble du centre ville de St Denis. « On ne pouvait pas penser à acheter. Nous n'avions pas de trésorerie, pas de subvention et les cours n'étaient pas payants. Mais les femmes ont continué à venir plus nombreuses, les demandes sont devenues plus diverses et le public plus varié venait de toutes les villes de la région. »
La collecte de fonds à duré deux ans. La Medersa des femmes a pu acheter ses locaux. « Maintenant, il nous faut rénover nos locaux. Et nous avons besoin de fonds » explique Mme Mollan. D'où l'idée de cette Kermesse. « C'est une première pour nous. L'argent collecté aujourd'hui servira à financer les travaux de rénovation. »

Hidayatoun Nissa a publié une traduction commentée du Michkat-oul-Masabih. Une première que raconte M. Mollan d'un ton naturel comme si l'originalité de la démarche lui échappait. Sous le titre « les rivages de la lumière » le groupe de femmes a publié un premier volume en 2004. Le second volume sera disponible dans les mois à venir. « Embellis ton caractère » est une autre publication du groupe. Il a sa place dans le rayon esthétique de l'âme.
Enthousiaste et efficace, Hidayatoun Nissa mène une douce révolution féminine dans la production de savoir islamique en français. Des micros et des caméras, elles n'en veulent point. Pour elles, la discrétion n'est pas qu'un mot, c'est aussi un comportement.





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