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Points de vue

La Grande Borne, zone de non-droit : de quoi parle-t-on ?

Rédigé par Pouria Amirshahi | Mardi 18 Octobre 2016 à 11:34

           

En Essonne, la Grande Borne, quartier à cheval entre Grigny et Viry-Châtillon, est sous le feu des projecteurs depuis l'attaque au cocktail molotov contre des policiers dans un carrefour le 8 octobre. Le pronostic vital de l'un des policiers est toujours engagé. Mais la Grande Borne est-elle cette zone de non-droit que des hommes politiques aiment à présenter ? Le député Pouria Amirshahi appelle à la raison.



La Grande Borne, zone de non-droit : de quoi parle-t-on ?
Des policiers se sont fait violemment attaquer par des truands en bande organisée désireux de défendre leurs trafics dans une ville de la banlieue parisienne, Grigny. Un policier est toujours entre la vie et la mort.

Depuis ? Une déferlante de termes dévoyés et une avalanche de propositions de mesures toutes plus inutiles les unes que les autres.

« État de droit », « sauvageons », » barbares », « zones de non-droit » : les mots ont un sens. Ces derniers jours, ils sont tous utilisés à tort et à travers sans la mesure et le recul qu’exige pourtant la situation du pays.

Dans ce brouhaha, toutes les voix se mélangent, sans distinction. Le Premier ministre, devenu soudainement tout à la fois juge et shérif, indique que les coupables « seront sévèrement punis », s’asseyant ainsi tranquillement sur la séparation des pouvoirs. Évidemment, la droite se déchaîne. Et l’Islam, qui n’a rien à voir là-dedans, est encore montré du doigt par des racistes imbéciles. Est-il seulement possible que chacun ait la décence de ne pas surfer sur l’agression inadmissible de policiers pour servir son discours politique quand l’un d’entre eux est encore en danger de mort ?

Condamner fermement sans sombrer dans la bêtise

Les objectifs électoraux font perdre de vue l’essentiel : les citoyens. S’il y a zone de « non-droit », c’est bien d’abord pour eux, qui ont de moins en moins accès aux droits réels et aux services publics. Pour les citoyens que sont les habitants de ces quartiers l’Etat ne veut plus dire quand-chose puisqu’il recule et s’accommode de la pauvreté grandissante.

« Apartheid » disait Manuel Valls, là aussi confondant tout, mais on comprenait au moins une colère face au délabrement général. Comment croient-ils donc, ces décideurs d’hier et d’aujourd’hui qui s’élèvent en criant, que se sont constitués les mafias, les trafics, et que se développent les crimes et délits quotidiens ? Et puis quoi depuis tant d’années ? Pas grand-chose en réalité si ce n’est que les bandits s’organisent plus facilement tandis que la majorité des citoyens continuent de vivre « modestement » quand on ne demande pas à certains d’entre eux de se « faire discrets ».

J’en appelle à la raison. Parce qu’on peut condamner fermement sans sombrer dans la bêtise, je souhaite que les auteurs de cet acte soient arrêtés et portés devant la justice, comme l’exige l’Etat de droit. Je demande à ceux qui aspirent à gouverner demain de se mettre enfin à l’écoute des citoyens concernés pour engager les grandes transformations de la ville, de consacrer l’argent public au bien commun plutôt qu’à des puits sécuritaires sans fond. D’ailleurs, les policiers eux-mêmes n’en peuvent plus. Il est temps de dire autre chose que des mots braillés dans le micro seulement pour « rassurer les gens » ou, plus souvent, se donner une image d’homme – ou de femme – fort. Les enjeux se situent ailleurs que dans le narcissisme de politiques usés.

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Pouria Amirshahi est député sans étiquette de la 9e circonscription des Français établis à l'étranger (zone Afrique). Première parution du billet sur son site.





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