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Points de vue

L’islam, religion violente ? (3/6) ‒ Les vrais chiffres de la « menace jihadiste »

Rédigé par Alain Gabon | Lundi 20 Juillet 2015 à 13:49

           


L’islam, religion violente ? (3/6) ‒ Les vrais chiffres de la « menace jihadiste »
Depuis des années, on nous assomme quotidiennement, sans relâche, d’un discours anxiogène, proprement délirant et hystérico-paranoïaque, voire apocalyptique, sur le « danger jihadiste ».

À entendre ces prophètes de la peur, le « jihadisme » ‒ et autre « péril islamiste » ou « danger salafiste » ‒ constituerait une véritable menace existentielle si effrayante qu’elle mettrait en danger notre nation, la République française, nos valeurs et nos libertés, et tant que nous y sommes l’Europe et la « civilisation » tout entière.

Or, derrière cette panique morale, qu’en est-il de la réalité de cette prétendue menace ?

Il suffit de vérifier quelques chiffres pour voir ce que tous nos pseudo-experts de plateaux télés et ministres Patriot-actisés nous cachent soigneusement : à savoir que ce « terrorisme jihadiste » que l’on ne cesse de nous présenter comme un péril terrifiant est en réalité une menace tout à fait minuscule et infime, à la fois dans l’absolu et en termes relatifs. Celui-ci constitue chez nous la toute dernière cause de mortalité.

Mieux, il en est de même dans la totalité des nations occidentales, Europe, États-Unis, mais aussi Australie, Nouvelle-Zélande, Japon, Corée du Sud, etc., souvent incluses dans la civilisation dite « occidentale » malgré leur localisation.

Des statistiques pour nécessairement faire le point

Au risque de paraître insensible, le terrorisme en général et sa variété « jihadiste » en particulier tuent en faible nombre comparativement à d’autres causes.

L’immense majorité des décès provient, bien sûr, des maladies (tumeurs, cancers, maladies cardiovasculaires, etc.). Les morts « dites « externes » (accidents, meurtres) constituent une petite minorité des décès. Et parmi celles-ci, les victimes du terrorisme, qui plus est du terrorisme « jihadiste », sont numériquement et statistiquement une catégorie qui n’apparaît pas dans les données scientifiques, car celle-ci serait de l’ordre du 0,00001 %. Et ce, même dans les pires années comme 2015 ! (Voir ici, ici et ici.)

Et c’est avec cela que nos gouvernants, soutenus par une armée de hurleurs professionnels et escrocs médiatiques, veulent nous effrayer pour mieux transformer nos sociétés démocratiques en sociétés de surveillance, policières et militarisées, à la George Orwell.

Éric Denécé, docteur en science politique et directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (difficilement qualifiable de « sympathisant jihadiste »), a récemment recensé la totalité des victimes françaises du « jihadisme » entre 2001 et mars 2015, 11-Septembre et Charlie Hebdo inclus. Au total, il comptabilise 102 morts en 14 ans, période où l’hystérie collective sur le « jihadisme », attisée par les médias et les politiques, est apparue et a atteint son point d’incandescence.

En moyenne, le « jihadisme » tue donc 7,5 personnes par an. Sur une population de 63 millions d’habitants. Y compris les victimes françaises des attentats commis à l’étranger (attaques d’ambassades, otages exécutés, etc.). En comparaison, pour l’année 2013, les homicides non terroristes ont, eux, fait 682 victimes. 730 enfants ont été battus à mort. Et 121 femmes ainsi que 25 hommes sont décédé(é)s sous les coups de leurs conjoints.

En une seule année, les homicides sur notre sol ont donc tué 1 558 personnes, dont quasi la moitié était des enfants. À savoir, 15 fois plus en une seule année que le « jihadisme » en 14 ans ; et si l’on s’en tient au relevé annuel, presque 200 fois plus.

Des dangers plus ou moins médiatiques

Cependant, voyons-nous nos gouvernements et nos grands médias organiser dramatiques réunions d’urgence, « sommets » européens à la chaîne et émissions spéciales sur ces centaines de femmes et enfants battus à mort chaque année sur notre sol ?

Si l’on examine maintenant les mortalités dues aux accidents (environ 500 noyades par an ; 3 300 accidents de la route en moyenne annuelle, sans compter les blessés bien plus nombreux, etc.), la comparaison est encore plus probante : les seuls accidents domestiques ont en effet tué... 20 000 personnes durant la seule année 2013 ! Rappel : 7,5 en moyenne annuelle pour le « jihadisme ». On voit donc où est le vrai danger sur nos vies…

Et ces ordres de valeurs, cette hiérarchie des dangers reste vraie à l’échelle mondiale.

Bien entendu, aucune grand-messe mondiale genre 11 janvier post-Charlie de la part nos dirigeants planétaires sur ces dangers infiniment plus meurtriers mais moins médiatiques, moins politiquement porteurs et moins instrumentalisables.

Plus de 700 enfants battus à mort par an en France, et pas un sourcillement, pas un discours, pas une parole de nos hommes politiques. Pas non plus une seule émission en prime time sur ce sujet. À comparer avec la frénésie et le délire hystérique qui les saisissent quand ne serait-ce qu’une seule personne vient tragiquement à être tué par un musulman.

Une baisse des actes terroristes, et pourtant une surmédiatisation du risque

Trois autres vérités factuelles désormais bien démontrées et connues des experts ‒ les vrais, pas nos charlatans nationaux ‒ mais que nous n’entendons jamais dans la bouche de nos dirigeants et têtes parlantes.

1. Loin d’être à son paroxysme comme nos menteurs et manipulateurs professionnels nous le martèlent, sur les deux dernières décennies dont la présente, les attaques terroristes meurtrières, ainsi que le nombre de victimes, ont, en fait, énormément diminué depuis les années 1970, 1980 et 1990. (Voir ici et ici.) La vérité n’est donc pas seulement différente de ce que nos puissants nous répètent : elle est l’exact contraire de leurs affirmations.

2. Seule une infime minorité des attentats terroristes (1 %) est d’origine « islamiste ».

3. Même en prenant les chiffres maximaux donnés par Manuel Valls de 3 000 personnes surveillées par ses services car simplement « suspectes » de « radicalisation potentielle » ‒ on est donc loin du « jihadisme » avéré, mais ratissons large, cela permet de bien gonfler les chiffres ‒, cela ne représenterait que 0,07 % des 4,7 millions de musulmans français. On est loin de cette vague terrifiante de « radicalisation des jeunes » dont on nous parle !

Remarquons ici que l’extrême rareté de ces cas de jeunes paumés idéologiquement endoctrinés force nos pseudo-experts à ne citer éternellement et en boucle que ces quelques cas de violence « jihadiste » : Merah, Nemmouche et les Kouachi/Coulibaly. Et pour cause : depuis des années, ils n’ont rien d’autres que ces quatre ou cinq-là à se mettre sous la dent pour nous vendre leurs discours de peur et leurs politiques liberticides.

Gonfler la menace

L’espace nous manque, mais tout cela est également vrai et facilement démontrable pour chacun des autres pays européens et pour l’Union européenne dans sa globalité.

Ainsi, comme documenté par Europol, non seulement les attaques terroristes dans leur ensemble sont en forte baisse depuis 2000, mais le terrorisme spécifiquement « islamiste » tue extrêmement peu : 249 personnes en 14 ans depuis 2000, sur une population de 500 millions. « En 2014, 4 personnes sont mortes dans des attaques terroristes dans l’Union européenne », dit le rapport d’Europol. En 2013, le terrorisme a tué 7 personnes en Europe. En 2012, 17, etc.

Or ces chiffres concernent toutes les formes de terrorisme (séparatistes, indépendantistes, ethno-identitaires, extrêmes-droites, etc.), le « jihadisme » faisant donc encore moins de victimes.

Autre fait soigneusement passé sous silence par nos obsédés du « péril islamiste » à la Mohamed Sifaoui ou Abdennour Bidar : sur la totalité des attaques terroristes perpétrées en Europe, 2 % seulement sont de nature religieuse, et encore moins sont « islamistes ».

Comment se fait-il que personne, jamais, et surtout pas nos dirigeants, ne parlent des 98 % restants ? L’axiome est donc le suivant : plus c’est rare, plus il faut en parler. Histoire de gonfler la menace.


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Alain Gabon, professeur des universités aux États-Unis, dirige le programme de français à Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley), où il est maître de conférences. Il est l’auteur de nombreux articles sur la France contemporaine et la culture française.





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