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Religions

Lhaj Thami Breze : la Fédération protestante de France, « un modèle » pour le CFCM

Rédigé par | Jeudi 19 Mai 2011 à 16:25

           

A un mois des élections du Conseil français du culte musulman (CFCM) et de ses instances régionales, Lhaj Thami Breze, président du CRCM Ile-de-France, nous livre ses impressions sur ces prochaines échéances et émet des propositions quant à la réforme des statuts que doit subir le Conseil. Suivant les directives de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), dont il fait partie, M. Breze ne compte pas se représenter pour briguer un nouveau mandat et préfère se concentrer dans ses activités liés à la fondation de Al-Wakf Al-Islami, dont il espère être à la tête d'un fonds de 100 millions d'euros dans les dix ans à venir.



Lhaj Thami Breze, aux commandes du CRCM Ile-de-France depuis plusieurs mandats, ne se représente pas en juin et se consacrera à sa fonction de directeur de la fondation Al-Waqf..
Lhaj Thami Breze, aux commandes du CRCM Ile-de-France depuis plusieurs mandats, ne se représente pas en juin et se consacrera à sa fonction de directeur de la fondation Al-Waqf..

Saphirnews : A l’approche des élections du CFCM et des CRCM, quel bilan d’abord dressez-vous de vos trois mandats à la tête de votre CRCM ?

Lhaj Thami Breze : La réalité que nous vivons au niveau du CRCM est différente de celle vécue au sein du CFCM, qui a une connotation plus politique. J’ai essayé durant mon mandat que toutes les composantes de l’islam de France soit au service du culte musulman. Tout le monde pourrait d’ailleurs témoigner de cette atmosphère de fraternité et cet esprit d’équipe qui a régné durant mes trois mandats.

On a beaucoup travaillé sur les problèmes existant entre les mairies et les associations locales en jouant le rôle d’intermédiaire pour rapprocher les points de vue des uns et des autres. Nous avons travaillé avec les mairies pour faire avancer la question des carrés musulmans, avec les conseils généraux pour trouver des solutions concernant l’abattage rituel et les cantines scolaires pour des repas de substitution et nous avons intégré un volet du dialogue interreligieux à nos actions. J’ai fait de mon mieux avec les moyens dont nous disposons pour combler les carences financières et les compétences humaines. Je quitte le CRCM en ayant la sensation d’avoir réalisé quelques avancées.

Quel a été le dossier le plus difficile à mettre en œuvre ?

L. T. B. : Celui des aumôneries car elles sont contrôlées par la Grande Mosquée de Paris. La formation des aumôniers entre dans les prérogatives du CRCM mais il a été difficile pour nous de nous faire une place et on n’a pas eu assez de temps pour discuter en profondeur sur ce sujet avec la Mosquée. On n’a pas pu avancer sur ce point.

Quel regard portez-vous sur le CFCM désormais ?

L. T. B. : Le CFCM a réussi à réaliser trois objectifs majeurs lors de son premier mandat. Il a engagé le processus d’institutionnalisation du culte musulman, a établi une relation de confiance avec les différentes tendances et a banalisé les relations entre le culte et son environnement. Mais par la suite, il lui a fallu montrer des résultats. Au début, les musulmans étaient indulgents vis-à-vis du CFCM mais sont maintenant plus exigeants, ils souhaitent qu’il résolve les problèmes liés aux cantines scolaires, à l’abattage rituel… et qu’il active la Fondation des Œuvres de l’islam (créé en 2005, ndlr) parce que le problème de financements pour la construction des mosquées se pose.

Les musulmans attendent beaucoup du CFCM et pourtant, les prochaines élections s’annoncent mal avec la non-participation de l’UOIF…

L. T. B. : L’UOIF, rejoint par la Grande Mosquée de Paris, ne veulent pas participer aux élections. Tout le monde veut que le CFCM continue à fonctionner pour l’intérêt des musulmans et du culte mais il a besoin d’une profonde réforme car le système actuel a ouvert la porte au nationalisme, à la course au pouvoir, à la division et aux ingérences des États étrangers sur les associations. Cependant, le débat sur ce point n’a pas encore eu lieu, c’est pourquoi on a mis une vraie distance entre nous et le bureau exécutif. Nous ne voulons pas que l’islam dépende de l’étranger. L’UOIF a œuvré pour que l’islam s’enracine en France et traite avec l’Etat. Nous souhaitons une coopération mais pas une subordination avec les Etats étrangers.

Fouad Alaoui était chargé de la réforme et certains soutiennent que des propositions n’ont pas été clairement formulées…

L. T. B. : Faux. On a soulevé la question de la réforme dès les premiers mois de ce mandat. L’UOIF a émis des propositions mais le bureau exécutif n’a pas souhaité les aborder, souvent en prétextant qu’il n’y avait pas de temps. On a eu quelques échanges mais ensuite, plus rien. L’UOIF a proposé un système de présidence tournante au sein du CFCM et des CRCM. Notre modèle pourrait aussi se calquer sur celui de la Fédération protestante de France, qui arrive à faire coexister tous les courants dans une même assemblée.
On a utilisé la patience et la pédagogie avec nos frères mais on a voulu nous acculer. C’est pourquoi on refuse ces élections. Cela ne fera pas de mal au CFCM s’il les reporte d’ici à un an pour bien préparer une réforme. Si elle est prête en trois ou six mois, tant mieux mais la condition pour la tenue des élections est le changement.

Pouvez-vous présenter les activités de Al-Wakf, dont vous êtes le directeur ? En quoi consistent-elles ?

L. T. B. : Il existe depuis 1993 mais n’avait jusque là pas de grande envergure. C’est l’équivalent du système de fondation en France. On a souhaité adopter ce concept comme il existe dans les pays musulmans et l’adapter à notre réalité. Il s’agit de consacrer des fonds ou des biens immobiliers pour réaliser des projets d’utilité publique inhérents à tous les aspects de la vie humaine (social, éducatif, scientifique, écologique…) pour que la société civile prenne en charge ses propres besoins. Les musulmans qui contribuent à une œuvre pérenne seront rétribués pour ces actions même après leur décès (aumônes dont le bénéfice perdure appelés sadaqa jariya, ndlr).

Nous avons axé nos activités sur le volet cultuel. Al-Wakf intervient dans quatre domaines : la présentation de l’islam, l'allocation de bourses pour les futurs imams, la promotion des établissements scolaires privés et les établissements de formation des imams. Nous passons par la phase de concrétisation désormais : on souhaite acheter des biens immobiliers et avec les rentes de ces biens, on les répartit selon les projets. Cela va se faire dans au moins dans deux ans. Al-Wakf dépend de l’UOIF, qui va transformer cette association de loi 1901 en fonds de dotation dès le mois de mai pour pouvoir recevoir des legs.

De combien est doté ce fonds ? Quels sont les objectifs visés ?

L. T. B. : Pour le moment, nous disposons d’un million d’euros. J’aspire à ce qu’on soit doté d’un fonds de 100 millions d’euros d’ici à 10 ans. En quittant le CRCM, je me consacrerai entièrement à Al- Wakf.

Quelle sont vos craintes à l’approche des élections présidentielles ?

L. T. B. : Je regrette que le gouvernement français et surtout l’UMP, brouille les acquis que nous sommes en train de réaliser au lieu de les utiliser pour renforcer le statut de la France dans le monde, notamment arabo-musulman. La France est en phase de reconnaissance de l’islam et de ses musulmans mais on donne l’impression au monde musulman que la France persécute l’islam et ses fidèles alors que c’est faux.
Il y aura sans doute des campagnes de dénigrement et de stigmatisation de l’islam et nous demandons aux responsables politiques d’avoir la sagesse, de ne pas se servir de l’islam comme un enjeu électoral et d’accuser cette religion de tous les maux. Ce message est pour le maire de Meaux entre autres. J’en appelle à la laïcité juridique et non idéologique et au respect de la liberté, l’égalité et la fraternité pour que les Français de confession musulmane soient traités comme tout le monde.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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