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Islamophobie : pourquoi justice et médias sont-ils à la traine ?

Rédigé par lila13@hotmail.co.uk | Mercredi 24 Décembre 2008 à 00:00

           

Depuis l'incendie qui s'est déclenché, samedi matin, peu avant la prière de cinq heures, dans une mosquée près de Lyon, le climat a beaucoup fluctué. Dans un premier temps, la communauté musulmane s'est plutôt rassérénée de voir que Nicolas Sarkozy haussait le ton pour dénoncer cet acte d'originelle criminelle (selon la police), "un acte honteux à caractère raciste". Puis l'amertume a regagné du champ



Depuis l'incendie qui s'est déclenché, samedi matin, peu avant la prière de cinq heures, dans une mosquée près de Lyon, le climat a beaucoup fluctué. Dans un premier temps, la communauté musulmane s'est plutôt rassérénée de voir que Nicolas Sarkozy haussait le ton pour dénoncer cet acte d'originelle criminelle (selon la police), "un acte honteux à caractère raciste".

Puis l'amertume a regagné du champ, sur le terrain comme sur le Net. Les reproches s'adressent en premier lieu à la classe politique, en dépit des condamnations fermes entendues durant le week-end. Ainsi, on a commencé, lundi, à entendre dire que, pour d'autres cultes, le gouvernement n'aurait pas manqué de faire le déplacement.

En ligne de mire: la communauté juive, mais surtout l'important relais médiatico-politique dont font l'objet les incidents qui touchent les synagogues. On se rappelle au passage la déclaration très forte de Jacques Chirac, en 2002:

"Lorsqu'une synagogue est brûlée, c'est la France qui est humiliée, lorsqu'un juif est agressé, c'est la France qui est agressée."


Des actes islamophobes en hausse

Aucune parole de ce calibre n'a été servie aux musulmans de France. Pourtant, les actes islamophobes sont en hausse, affirme Mohammed Moussaoui, nouveau président du Conseil français du culte musulman (CFCM), élu il y a six mois:

"Derrière le réconfort des premières condamnations, il manque les mesures que la France doit prendre, compte-tenu de la recrudescence des actes islamophobes. Par exemple, le cimetière de Notre-Dame-de-Lorette, à Arras, a été profané par trois fois en dix-huit mois: d'abord 50 tombes, puis 148, puis 500. Personne, ni Michèle Alliot-Marie, ni Nicolas Sarkozy, ni le Premier ministre n'a fait le déplacement alors que c'était l'Aïd, LE grand jour pour les musulmans de France."

D'autres reprochent également aux médias de rebondir avec une tout autre ardeur sur des actes antisémites. Lorsque le fameux Phinéas avait décidé de profaner les tombes d'un carré juif dans le Rhône, en 2004, les JT relevaient qu'il avait d'abord cherché à agressé un Maghrébin... avant de se "rabattre" sur un acte antisémite pour doper son écho médiatique. (Voir la vidéo)

Si certains déplorent le "deux poids deux mesures", on notera malgré tout que les reproches ne sont pas adressés à la communauté juive elle-même. Sociologue et ancienne de la Protection judiciaire de la jeunesse, élue au CFCM, Dounia Bouzar relève ainsi "une position extrêmement forte, émouvante même" des instances juives.

Et Mohammed Moussaoui, du CFCM, souligne qu'il a, avec les Juifs, des discussions constructives qu'il n'a "pas avec tous les cultes, catholiques et protestants notamment" en matière de défense réciproque lorsqu'une des deux communautés est agressée.

Suivre l'exemple du Crif

D'ailleurs, depuis ce week-end, les responsables musulmans ne cachent pas qu'ils comptent mettre leurs pas dans ceux du Crif, quitte à prendre conseil de ce côté pour adopter une position plus revendicatrice.

Pour notre blogueuse Esther Benbassa, c'est le passage d'une représentation religieuse (avec le consistoire) à une représentation politique, avec le Crif, qui a permis à la communauté juive d'aller au bout de son affirmation identitaire et mémorielle "alors que les arabo-musulmans vont avoir besoin de quitter le terrain religieux pour un terrain politique".

Universitaire, elle rappelle que c'est dans les années 70, après la victoire d'Israël durant la Guerre des six jours, que les Juifs de France ont commencé à "parler plus haut". A quoi s'ajoute l'arrivée des Juifs d'Afrique du Nord, "qui n'étaient pas dans ce clivage entre "être juif à la maison" et "être Français à l'extérieur"."

En s'inspirant du Crif, les représentants de l'islam de France affichent notamment comme priorités de:

* Porter plainte systématiquement
* Ne plus hésiter à médiatiser les agressions
* Faire du lobbying pour que la qualification "acte islamophobe" apparaisse dans la loi, là où il n'y a aujourd'hui que des "actes antisémites" et des "actes racistes et xénophobes"

En fait, c'est surtout l'indigence de la réponse judiciaire qui reste la clé du malaise, quatre jours après l'incendie de la banlieue de Lyon. Mohammed Moussaoui, du CFCM, tient ainsi à rappeler que l'auteur de la deuxième profanation du cimetière d'Arras n'a écopé "que de deux ans dont un avec sursis et qu'il a obtenu un remise de peine".

Il déplore aussi que les enquêtes policières et judiciaires biaisent les statistiques de l'islamophobie, dans la mesure où beaucoup d'affaires sont enregistrées au titre de faits divers.

Sur le terrain, chez les musulmans, les moeurs ont pourtant évolué. Pour Dounia Bouzar, la nouvelle génération n'a plus les réflexes de ses aînés:

"Leurs parents les ont élevés dans le respect de leurs hôtes, en leur disant de ne pas se faire remarquer. Mais les jeunes n'hésiteront plus à porter plainte: ils ont fait tout un travail sur l'islam et la laïcité, pour réussir à être à la fois Français et musulmans. Même si certains peuvent douter parfois de l'objectivité des juges, ils feront valoir leurs droits et ont à coeur qu'on réprime les actes islamophobes. Parce qu'ils sont ici chez eux."

Source : Rue 89




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