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Société

Identité nationale : « L’islam appartient à l’Histoire de France »

Rédigé par Chahira Bakhtaoui | Mardi 29 Décembre 2009 à 01:45

           

Alors que la tenue même du débat sur l’identité nationale est sujet à controverses, l’anthropologue Michel Agier en dénonce la stigmatisation récurrente de l’islam, dont la présence en France est pourtant « ancienne ». Spécialiste des questions relatives aux migrants et aux clandestins, il décrit la participation des immigrés à la culture française.



Copie d'écran de l'émission d'Action discrète : les humoristes avaient investi le débat sur l'identité nationale, organisé à la préfecture de l'Aube.
Copie d'écran de l'émission d'Action discrète : les humoristes avaient investi le débat sur l'identité nationale, organisé à la préfecture de l'Aube.
Tandis que 200 personnalités ont lancé une pétition pour l’arrêt du débat sur l’identité nationale et que 50 % des Français se prononcent contre ce débat et 34 % en sa faveur, il convient de revenir non pas sur les causes de ces controverses, mais plutôt sur ce qu’elles révèlent.

Derrière les récents dérapages politiques et émotionnels, il y a bien plus que l’agenda politique. Alors que le poids de l’héritage colonial se fait sentir, une grande partie du passé historique de la France est paradoxalement niée.

Michel Agier, anthropologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), vient de publier Gérer les indésirables. Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire (Flammarion). Il répond à nos questions.




Dans votre ouvrage « La Sagesse de l’ethnologue » vous dites : « L’ethnologue est un penseur qui conteste les définitions. » Quelle est donc, pour vous, la définition de l’identité nationale ?

Michel Agier : Eh bien, justement, je crois que c’est ça le point, c’est qu’il n’y en a pas. Et ce n’est surtout pas au chercheur de donner des définitions. Ce que nous faisons, en particulier les anthropologues, c’est comprendre ce que les gens font avec leur préoccupation identitaire. Chose à la fois très individuelle et très collective.

Michel Agier, anthropologue, est directeur d'études à l'EHESS.
Michel Agier, anthropologue, est directeur d'études à l'EHESS.

Alors pourquoi, selon vous, a-t-on lancé le débat sur l’identité nationale ? Quel est son but ?

M. A. : Je pense qu’il y a plusieurs niveaux de compréhension. Je pense qu’il y a ce qu’on dit en général, un but électoraliste et que c’est très risqué. Alors que les politiques suivies depuis deux ans n’ont pas amélioré l’Audimat du gouvernement, on ratisse aujourd’hui vers l’extrême droite et on ramène une partie de son électorat. Mais c’est très dangereux parce que cela veut dire que cette droite là [au pouvoir] nous installe dans un horizon politique extrême. Avec, notamment, tous ces relents de xénophobie, de racisme, etc. Cela est une première explication qui, je pense, est à courte vue.

Mais cela ne suffit pas, il y a autre chose. Je pense qu’il y a un effet, on peut dire, de la mondialisation en général, qui produit sur les élites et sur les gouvernements une volonté de résister à la circulation des hommes. Je ne vois pas bien l’intérêt. Là, cette espèce de débat prétendument d’idées ramène sans arrêt à des propos xénophobes, des propos racistes et des stigmatisations religieuses.

Dans sa tribune sur l’identité nationale publiée dans Le Monde, Nicolas Sarkozy dit, après avoir évoqué les musulmans : « Ces peuples d’Europe ne veulent pas que leur cadre de vie, leur mode de pensée et de relations sociales soient dénaturées. » Pensez-vous que l’islam pourrait dénaturer la vie des Français ?

Là où je sursaute en tant qu’anthropologue, c’est sur le mot « dénaturé ». On prend un état comme s’il était donné : c’est donc une réflexion binaire qui reproduit le « nous » et les « autres ». C’est la raison pour laquelle on a eu cette réaction très forte avec quelques chercheurs en disant qu’il faut arrêter complètement cette affaire et supprimer ce ministère [ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale]. Depuis quelques mois, la manière dont cette affaire évolue, c’est une manière de plus en plus binaire, entre « nous » et « eux ».

On renvoie, par exemple, la religion de l’islam aux migrants. Cela va à l’encontre de l’Histoire de la présence de l’islam, que ce soit dans l’Empire colonial français ou en France, où des migrations existent depuis les années 1960. L’islam est une des religions de France et cela ne date pas d’aujourd’hui. C’est quelque chose d’ancien. Reproduire tout à coup le clivage « eux » et « nous » désigne bien sûr tous ceux qui sont non seulement musulmans mais aussi descendants de migrants venant de pays d’islam. Des étrangers de l’intérieur, si l'on peut dire.

Cela introduit une manière de penser dans laquelle je ne me reconnais absolument pas, et je réagis là en tant que citoyen.

Dans quelle mesure les immigrés en général participent-ils à l’identité française, à la culture française ?

M. A. : En tant qu’anthropologue, je suis persuadé qu’on participe tous à la culture d’un Etat-nation à un moment donné ainsi qu’à sa transformation permanente. Donc, oui, toutes les vagues migratoires ont depuis toujours transformé la dynamique culturelle en France. Les manières de croire ainsi que les productions artistiques ont transformé en permanence toute cette culture de notre Etat-nation français.

Les immigrés et leurs descendants font partie du paysage français depuis longtemps. Pourquoi continue-t-on aujourd’hui à les stigmatiser bien qu’ils soient maintenant nés en France et y travaillent ?

M. A. : Il faut replacer cela dans le contexte historique, la France s’est constituée avec des migrants. Mais nous sommes encore dans une situation post-coloniale. La France a eu son Empire : la colonisation politique et économique allait de pair avec une colonisation culturelle. Aujourd’hui, l'on reste avec cet héritage, et en même temps avec cette très belle et forte tradition de la res publica, des droits de l’homme et des citoyens, de l’idée d’égalité en tout cas. Il y a quelque chose de contradictoire à avoir tout cela en France.

Quelles solutions apporter à ce débat sur l’identité nationale ?

M. A. : La première solution serait de supprimer ce ministère. C’est ce ministère-là qui incarne la crispation qui a été introduite par la droite de Sarkozy en France, et pas seulement aux frontières. Cela divise le pays et explique l’état dans lequel il est maintenant.
On voit qu’il y a de nombreuses fractures qui sont en train d’être mises en place par ce ministère et ce qu’il symbolise : les religions, il y en a des bonnes et des pas bonnes... la manière de se vêtir, la manière de vivre, la couleur de peau, la manière de parler...
De façon absolue, il faudrait isoler cette pensée de droite, identitaire. Je pense que cela va bien au-delà d’une affaire électorale.



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1.Posté par Elwahraanii le 29/12/2009 12:43 | Alerter
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On voit qu’il y a de nombreuses fractures qui sont en train d’être mises en place par ce ministère et ce qu’il symbolise : les religions, il y en a des bonnes et des pas bonnes... la manière de se vêtir, la manière de vivre, la couleur de peau, la manière de parler...


Je m'adresse à l'anthropologue, au scientifique: quel statut donnez-vous à cette croyance qu'est la "res publica", à l'Humanisme athée des droits de l'homme et du citoyen, à la foi en l'Homme Universel ? Pour quelle raison avez-vous tendance à placer cette croyance hors de la catégorie du religieux ?
La République Française n'est-elle pas fondée sur cette religion ?

2.Posté par nacré le 29/12/2009 14:13 | Alerter
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Arrêtons de pérorer :les dits "immigrés" sont des Français depuis 1830 bien avant sarko et compagnie! qu'on se le dise! un peu d'histoire, amis journalistes!!!

3.Posté par Musulman,Citoyen,Electeur,Conscient le 30/12/2009 12:05 | Alerter
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En effet,la medecine,la philosophie grecque,la geographie,la chirurgie,la pharmacie,la botanique,les mathematiques,la geometrie,l'astronomie,l'enseignement publique,les hopitaux,les CHU,l'hygiene,les bonnes moeurs,l'independance patrimoniale de la femme,les bases du droit et des traites ,ont tous ete apportes en France par les Musulmans ,et ce il y a 1000 ans!!!!! Alors OUI l'Islma fait non seulement partie de l'histoire ,et aussi du futur,de France,mais aussi de l'humanite!!!!

Salli ala Mohamed wa Ahle Mohamed !!!

4.Posté par jamie le 11/05/2011 11:59 | Alerter
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Bonjour, merci Monsieur Agier, il faut supprimer ce ministere.
De toute facon un jour ou l'autre le peuple decidera comme il a décidé en Tunisie.
Nous savons que la France est black blanc beurre depuis 1998;
La politique francaise est regrettable au lieu de stigmatiser une population qui l'ait déja par les événements internationaux(guerre golf, 11 septembre, le FISAlgerie, Iran le shah, .....) le monde politique devrait céer plus de liens de fraternité, solidarité entre tout les francais black, blanc, beurre et unir la FRANCE Remettre à égalité tout les citoyens et expliquer que c'est l'histoire de France si aujourdhui il y a des populations de tout horizon. La France a colonisé parout dans le monde.......Bref le jour ou pour chaque poste de travail dans ce pays on prendra en compte d'abord les competences avant la personne. Car le vrai problème est économique, La FRANCE DEVIENDRA LA PREMIERE PUISSANCE MONDIAL.


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