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Psycho

Hanifa : « J’ai horreur des conflits et mon mari me violente »

Rédigé par Sabah Babelmin | Mercredi 19 Juillet 2017 à 08:30

           


Hanifa : « J’ai horreur des conflits et mon mari me violente »
Je suis mère de deux enfants. Au début de notre relation, il était plein d’attention. Sportifs tous les deux, on faisait beaucoup de vélo, de marche, de la piscine, etc. Après notre mariage, il a commencé à changer.

Mon mari s’énerve beaucoup pour un rien, j’étais devenue son souffre-douleur et un jour il m’a insultée violemment. J’étais comme tétanisée, mon cerveau était incapable d’accepter qu’une telle violence verbale m’était adressée. Et pendant trois jours, on ne s’est pas adressé la parole. Et puis il a pleuré, m’a juré qu’il ne recommencerait plus, m’a suppliée de lui pardonner. Et c’est ce que j’ai fait.

Pour faire court, je suis une personne qui ai horreur des conflits et lorsqu’on se dispute je me tais. Je prends sur moi pour éviter l’escalade. Et le temps passe et les insultes deviennent monnaie courante, elles ont fait leur place dans notre quotidien.

Entre-temps, j’ai eu mes deux enfants et mon mari m’a littéralement laissée tomber. Il ne m’a pas aidée une seule fois, m’insulte tous les jours...

Mon quotidien, c’est : les insultes, la violence verbale et deux fois de la violence physique.
Je sais que certains risquent de trouver un manque de réaction de ma part mais la peur me terrifie.

Je ne travaille pas et j’aimerais fuir mais mes deux enfants ne méritent pas cela. Je ne veux pas me retrouver dans un foyer pour mère isolée. Mes enfants, c’est ma vie et mon mari sait que je ne partirai pas car je ne possède rien matériellement et dépend financièrement de lui.

Je dis : « mes enfants », car mon mari ne s’en occupe jamais, ils me donnent la force de tenir, de combattre et la puissance d’Allah fait battre mon cœur tous les jours et me rappelle que cette épreuve, je la traverse avec mon Créateur, que je ne suis pas seule.

Je n’en parle pas à ma famille car je veux les préserver. Je préfère porter le masque. Pour l’instant, j’ai de la force pour le porter tous les jours, mais je sais qu’à un moment donné le masque finira par tomber. Hanifa

Sabah Babelmin, psychothérapeute

Chère Hanifa,

Votre lettre fait état de beaucoup de maltraitance, avec cet homme, votre mari, qui vous écrivez a changé du jour au lendemain : avant votre mariage (vous ne dites pas combien a duré cet épisode de fiançailles, d’entente, de partage, de complicité) et puis une fois mariés, la maltraitance a commencé. D’abord les insultes, puis les coups, il s’excuse et puis il recommence de nouveau.

Pendant combien de temps vous vous êtes fréquentés ? Avez-vous discuté avec lui du mariage ? Était-ce un désir partagé ? Ou êtes vous sentis obligés de vous marier pour éviter le qu’en-dira-t-on, pour être en accord avec les préceptes de l’islam ? Pour avoir des enfants ? Sous la pression de la famille ?

Ce revirement total dans le comportement interroge beaucoup, et révèle un mal-être, une colère rentrée, quelque chose qu’il n’arrive à exprimer que par les insultes et les humiliations.

Et puis vous dites que vous détestez les conflits et que vous êtes tétanisée quand il commence à vous insulter :
Avez-vous vécu dans une atmosphère conflictuelle dans votre famille, enfant, adolescente ? Qui vous insultait chez vous ? Qui ou quelle situation vous tétanisait ? Est-ce que votre mère était insultée ? Battue ?

Vous savez, notre histoire personnelle nous impacte tellement !

Une personne qui a été maltraitée va s’infliger la même souffrance en choisissant (inconsciemment) une personne qui va la maltraiter dans le présent, comme si pour s’en affranchir, il faille revivre la situation pour que l’enfant tétanisé puisse réagir et prendre conscience de son histoire et que l’adulte mette un terme à cette violence en disant stop.

Et cela est valable pour votre mari aussi, pour vous maltraiter, il a dû subir lui-même la même chose qu’il répète sur vous. Et puis parfois le fait de ne pas réagir excite l’autre et augmente sa capacité à maltraiter. Et une relation sado-masochiste s’installe, avec toutes les conséquences désastreuses que cela pourrait générer pour les deux adultes mais aussi pour les enfants, qui doivent beaucoup en souffrir.

D’ailleurs vous dites avec l’arrivée de vos enfants, la situation s’est envenimée !
Avez-vous désiré ces enfants ? Ou était-ce un accident ? Ou une manière de consolider l’union ? Ou par une pression quelconque (âge, famille) ?

À priori, quand les enfants arrivent, le père devient plus responsable, plus respectueux de la maman, plus protecteur. Mais ce que vous décrivez est très difficile à vivre. Il y a un certain mépris et de l’indifférence, mais vous subissez et acceptez tout pour vos enfants, dont vous dites il ne s’en occupe même pas.

Il me semble qu’il est urgent que vous vous fassiez aider par un tiers, une assistante sociale, un médiateur et sortir vos enfants de cet impasse. Vous êtes adulte et vous subissez, mais les enfants n’ont pas à subir cette violence quotidienne, ce n’est bon ni pour leur présent ni pour leur avenir.

Vous gardez tout pour vous, dites- vous, et vous portez le masque, mais, comme vous écrivez, un jour ce masque tombera…

Une femme insultée, battue a beau porter un masque, sa tristesse et sa souffrance transparaissent sur son visage et son corps. Vos proches doivent savoir, peut-être qu’ils sentent quelque chose mais n’osent pas vous confronter ?

Vous voulez préserver et protéger tout le monde mais pourquoi ne pas commencer par vous protéger vous-même ?

Quelle dette symbolique avez-vous à payer ?

Il me semble urgent que vous creviez l’abcès, en parlant à vos parents et puis vous faire accompagner par une tierce personne pour vous sortir, comme vous dites, de cet enfer.

Vous parlez de la force que vous donne votre foi en Dieu, je comprends et c’est très louable, mais c’est important que vous réagissiez rapidement. Bon courage.

La rubrique « Psycho », qu’est-ce que c’est ?

Des psychologues et psychanalystes répondent à vos questions. Musulman(e)s du Maghreb ou de France, professionnel(le)s actif(ve)s exerçant en cabinet, ils réfléchissent à votre problématique et tentent de vous éclairer à travers leur expérience professionnelle et leur pratique spirituelle. Ils peuvent vous aider à y voir plus clair en vous-même ou à mieux décrypter le comportement des personnes de votre entourage.
Ils ne sont pas médecins, même si on les désigne parfois comme des « médecins de l’âme », mais leur rôle est de vous aider à trouver en vous-même la meilleure réponse à vos interrogations sur vos relations aux autres, votre conjoint ou conjointe, vos parents, vos frères et sœurs, vos amis, vos collègues de travail, vos voisins...
Alors, n’hésitez pas, interrogez-les, ils tenteront de vous répondre en s’éclairant des plus belles pensées de l’islam.
Contactez-les (anonymat préservé) : psycho@saphirnews.com





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