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Psycho

Habib : « Après la naissance du bébé, je suis dans une impasse affective »

Rédigé par Lalla Chams En Nour | Mardi 23 Mai 2017 à 15:33

           


Habib : « Après la naissance du bébé, je suis dans une impasse affective »
Marié depuis 5 ans et papa d’un petit bout de 7 mois, je connais mon épouse depuis 9 ans. Je n’ai jamais connu d’autre femme avant elle. Nous nous entendions bien avant le mariage, il y avait une certaine complicité entre nous, malgré un déséquilibre qui a toujours existé : je suis d’un naturel plutôt effacé en public mais toujours à l’écoute des autres, je n’ai pas un caractère dominant. Elle, c’est plutôt l’inverse, elle s’affirme sans pour autant être avenante avec les gens, n’est pas dans l’écoute des autres mais d’elle-même.

Ce contraste me dérangeait mais en même temps me convenait car c’est elle qui prenait les devants et les initiatives.

Depuis le début de notre mariage, moi qui suis toujours à l’écoute de ses problèmes, je me suis senti de plus en plus seul et rejeté. Elle était toujours en train de râler sur tout et n’avait aucune oreille pour moi. A la maison elle souffre d’angoisses multiples et de tocs de vérification qui ont commencé à ronger notre vie conjugale.

Du coup, il lui est impossible de se concentrer sur ce que son interlocuteur lui dit car elle est constamment en train de penser à ses angoisses. J’ai essayé de l’aider et de lui parler fermement, elle en a pris conscience mais le naturel revient si vite... Dès que j’avais besoin de soutien malheureusement je me faisais rejeter ou pire, selon elle, c’était de ma faute si j’avais des problèmes au boulot. J’ai essayé de m’accommoder à n’avoir aucun soutien moral de sa part.

Du côté sexuel, elle faisait un blocage de peur d’avoir mal. Ses angoisses l’empêchaient de se détendre. Pendant 3 ans nos rares rapports se limitaient à des préliminaires.

Nous sommes allés souvent en voyage pour soi-disant nous retrouver et raviver la flamme mais, en réalité, rien ne changeait... Jusqu’à ce qu’on aille accomplir le hajj ensemble, ce voyage nous a métamorphosés : elle est devenue plus douce et cela nous a rapprochés. Ce fut un déclic : on a émis le vœu d’avoir un enfant. C’est là qu’on a commencé à avoir de vrais rapports intimes. Elle a pris également la décision d’arrêter de travailler.

Un an après, al hamdoulillah, elle était enceinte de notre fils. Mais, depuis un an, j’ai le sentiment d’avoir perdu mon épouse, elle s’occupe h24 du petit et j’ai droit à des reproches quotidiens. J’essaye de m’impliquer et d’être le plus présent possible pour le petit et, pour elle, mais cela n’est jamais assez.

On vit comme des colocataires. Je souffre du manque d’affection et d’attention, déjà que notre histoire charnelle est plus que récente et fragile. J’ai besoin de me sentir aimé et ce n’est plus le cas depuis sa grossesse... Elle m’a déjà remplacé par le petit à qui elle donne toute son affection.

Je suis dans une impasse affective, je ne sais plus quoi faire, je me sens frustré et je désespère tellement je me dis qu’au final elle et moi nous ne changerons pas. Je n’ai jamais été infidèle, qu’Allah me préserve.
Habib

Lalla Chams en Nour, psychanalyste

D’abord, nous vous remercions pour votre confiance et votre sincérité. Les débuts de votre mariage semblent avoir été bien difficiles. Pas facile pour le couple de trouver le bon équilibre entre les valeurs du masculin et celles du féminin. L’homme autant que la femme portent en eux, selon des dosages différents, du masculin et du féminin. Dans votre cas, il peut y avoir soit inversion, soit déséquilibre. C’est fréquen ; le tout, c’est d’en être conscient et que chacun trouve sa juste place, dans le respect de l’autre.

Mais il y a autre chose dans votre description : la difficulté de votre épouse à résoudre ses angoisses, malgré votre capacité à tous les deux d’affronter vos difficultés relationnelles. Vous pouvez lui parler, elle accepte, puis elle oublie, « le naturel » revenant au galop. Vous insistez sur le fait qu’elle ne vous entendait pas. Elle n’entendait pas parce qu’elle était prise par l’angoisse. Ne pas pouvoir se mettre à la place de l’autre, c’est un obstacle dans toutes les relations, amicales, amoureuses, mais aussi citoyennes. Cela amène au totalitarisme et à l’abus.

Vous avez pu « sublimer » vos difficultés par votre acte de foi, c’est beau. Cela montre qu’il y a du potentiel. Cette capacité à changer est un espoir.

Mais revenons à vous : votre demande d’attention est légitime, votre frustration manifeste, mais n’y aurait- il pas un soupçon, une trace d’un manque dans l’enfance ? Même s’il est normal d’avoir de l’attention l’un pour l’autre, du respect, de l’écoute. Ce sont là les vertus de l’amour, n’est-ce pas ?

À cette frustration s’ajoute la transformation de votre épouse en mère. Pas facile non plus, pour n’importe quel jeune père. Sachez que cette période de fusion entre la mère et l’enfant est indispensable pour les deux. Imaginez l’incroyable aventure vécue par ces deux corps, l’un issu de l’autre et apprenant tous les deux à la fois l’unité et la séparation.

Je comprends que n’importe quel père se sente mal face à cette relation exclusive. C’est vrai, les jeunes mamans doivent tenir compte de cette réalité et faire des efforts vers leurs hommes, eux aussi vivent une transformation, ils deviennent pères.

C’est bien d’en parler ensemble et de faire comprendre à votre épouse qu’elle vous doit de l’attention et de comprendre vous-même que vous devez patienter. Les jeunes mamans sont moins accessibles, elles ne sont pas dans le désir de l’homme, accaparées par leur maternité. Vous-même vivez une sorte de sevrage, au moment même où vous découvriez la sexualité. C’est vrai, ce n’est pas facile. Mais c’est juste une question de patience, en général le désir revient après un an de maternité.

Une solution : en parler ensemble, ne pas se plaindre mais essayer de comprendre l’autre, chacun doit avoir sa place. Souvenez-vous du couple de Muhammad et de Khadija, il a duré… jusqu’à la mort de son épouse. Leur recette : le respect mutuel. Qu’on se le dise…

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Des psychologues et psychanalystes répondent à vos questions. Musulman(e)s du Maghreb ou de France, professionnel(le)s actif(ve)s exerçant en cabinet, ils réfléchissent à votre problématique et tentent de vous éclairer à travers leur expérience professionnelle et leur pratique spirituelle. Ils peuvent vous aider à y voir plus clair en vous-même ou à mieux décrypter le comportement des personnes de votre entourage.
Ils ne sont pas médecins, même si on les désigne parfois comme des « médecins de l’âme », mais leur rôle est de vous aider à trouver en vous-même la meilleure réponse à vos interrogations sur vos relations aux autres, votre conjoint ou conjointe, vos parents, vos frères et sœurs, vos amis, vos collègues de travail, vos voisins...
Alors, n’hésitez pas, interrogez-les, ils tenteront de vous répondre en s’éclairant des plus belles pensées de l’islam.
Contactez-les (anonymat préservé) : psycho@saphirnews.com





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