Yamanashi, Mont Fuji, Japon, le 9 septembre 2010.

Depuis mon arrivée au pays du Soleil levant, je me posais beaucoup de questions sur les moyens qui avaient permis à ce pays de devenir très rapidement la deuxième puissance mondiale alors que le pays avait été mis à genou après 1945. Je fais donc référence au miracle économique japonais. Nous pouvons encore une fois évoquer la discipline, la rigueur, l'exigence, valeurs très présentes chez la plupart des Japonais. Quel est donc le vecteur permettant à ces valeurs de rester vivantes parmi une bonne partie de la population japonaise ?

Les nombreuses conversations et les débats me conduisaient tous vers la même source : l'éducation. Au-delà de la sphère familiale, le système éducatif japonais permet de transmettre et de garder vivantes ces valeurs, et ce malgré le haut niveau de développement technologique dont jouit le Japon ainsi que les influences étrangères parfois néfastes.

Pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce système complexe, je devais m'immerger au sein d'une école japonaise afin de découvrir leur fameuse « poudre à canon ». Je contactais un des mes amis enseignants japonais et il accepta immédiatement de m'accueillir au sein de son établissement, tout près du mont Fuji.

En visite dans une école japonaise
Chacun est responsable, sous le regard des sempais

Cette visite fut pour moi une expérience particulièrement riche. Tout au long de la scolarité des élèves japonais, on retrouve à travers certains rituels cette ferme volonté de transmettre certaines valeurs et parfois en utilisant la manière forte. C'est encore plus vrai pour le collège et le lycée.

Dès l’entrée dans l'établissement, à 8 h 30, les élèves retirent leurs chaussures extérieures pour chausser des chaussons d'intérieur. Ensuite, les élèves se dirigent directement vers leur salle de classe sans être passés par la cour de récréation et entrent en classe sans la présence du maître.

Ce dernier est, comme chaque matin, en réunion avec l'ensemble de l'équipe éducative, jusqu'à 8 h 45, voire 9 heures. En fait, les élèves sont supervisés par les « sempais », qui sont en fait les aînés de la classe. Ainsi, très tôt, les petits Japonais intègrent l'idée de hiérarchie et de contrôle social.

A l'arrivée de l'enseignant, sur ordre des sempais, les élèves se positionnent face à leur table pour tirer la révérence. De la même manière, les récréations se déroulent non pas sous la supervision des enseignants, mais encore une fois sous celle des sempais.

Pour le déjeûner, tous les élèves mangent à la cantine et les repas sont pris au sein de la classe. Il n'y a pas de personnel de cantine, hormis celui qui prépare le repas. Les élèves sont donc responsables de l'organisation, de la distribution, du rangement et du nettoyage durant le déjeûner, même les CP sont à la tâche.

Par ailleurs, on ne trouve pas de personnel de nettoyage au sein de l'école. Encore une fois, ce sont les élèves qui sont responsables de la propreté de leur classe, de leur école, du gymnase et de la piscine.


En visite dans une école japonaise
De la discipline et de la rigueur

Il est surprenant de voir à quel point la discipline, l'exigence et la rigueur règnent en maître au sein des classes. Cela est encore plus vrai pour les collégiens et les lycéens. Le respect envers l'enseignant est total, même si cela commence à s'effriter selon certains collègues japonais.

Ayant assisté à une chorale, je fus stupéfait par la qualité de cette dernière. En fait, le regard autoritaire du maître en disait long. Il est assez impressionnant de voir qu'à moins d'un mois après la rentrée scolaire, des élèves parviennent à un tel niveau de qualité. L’autorité et l'exigence du maître sont très sûrement les clés de la réussite de cette chorale ; cela me sera confirmé par l'enseignant lui-même.

Pourtant, durant les cours, je constatais que les élèves prenaient très peu souvent la parole et s'exprimaient très rarement. Très peu de questions étaient posées à l'enseignant, comme si on ne leur apprenait pas à se poser des questions, à réfléchir. Même après avoir animé un cours sur les différences culturelles entre la France et le Japon, je constatais avec peine qu'il n'y avait que deux élèves sur une soixantaine qui m'avaient posé des questions.

« Ce manque de questionnement est une constante chez nous et c'est précisément ce que je reproche à notre système actuel », me dit un enseignant japonais ayant enseigné au Kenya. « Notre exigence à l'égard des élèves est intéressante même si parfois elle peut être extrême. Cependant, cette dernière devrait être accompagnée par l'exercice de la raison et du questionnement », regrettait ce collègue japonais.


En visite dans une école japonaise
Mais où est l'esprit critique ?

Il est aisé de constater ce manque de réflexion et de questionnement chez la plupart des élèves japonais. C'est comme si au lieu d'apprendre à penser par eux-mêmes, on apprenait plutôt aux Japonais ce qu'il fallait penser. « C'est l'une des raisons pour laquelle notre système ne produit pas autant d'artistes et de passionnés », me confiait encore cet enseignant.

« Mieux vaut une tête bien faite, qu'une tête bien pleine », disait Rabelais. Cela pourrait-il expliquer le manque d'esprit critique ou d'avis personnel chez la plupart des Japonais ? Je regrette de le dire... A l'inverse, est-ce plutôt dû à une réserve à exprimer ses sentiments ? Je me le demande. Même si la volonté de maintenir l'harmonie sociale est très présente au sein de chaque classe, voire au sein de la société en général, cela ne peut aller à l'encontre de l'esprit critique dont chacun doit jouir pour atteindre peut-être un jour une certaine forme de liberté.

A contrario, lorsque je vois parfois l'esprit critique, voire violent, dont certains élèves font preuve dans certaines salles de classe de France et de Navarre, je dois aussi m'interroger sur notre propre système et la place accordée à l'élève et à l'enfant.

Entre l'éducation stricte à la japonaise favorisant l'harmonie sociale mais lésant parfois l'élève en tant qu'individu pensant et l'esprit critique à la française conduisant parfois certains à donner leurs avis sur tout et n'importe quoi et causant éventuellement une forme de désharmonie sociale, je me demande encore une fois où est le juste milieu.

A méditer donc.

Rédigé par Dahmane Mazouzi le Dimanche 16 Janvier 2011 | {1} Commentaires

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