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Points de vue

Gagner sa liberté

« Minute de sens », par Hamza Braiki*

Rédigé par Hamza Braiki | Vendredi 17 Mai 2013 à 01:28

           


L’esclavage et sa violence évidente laisseront à jamais des traces dans les cœurs. Tantôt brandi comme arme de guerre dégradante, comme nécessité économique ou même logique créationniste (les indigènes créés pour servir les colons…), l’esclavage n’a jamais tenu promesse. Les économies construites sur son malheur sont finalement les plus fragiles, les civilisations élevées sur le mépris des hommes sont vacillantes, et les descendants des peuples asservis ont vengé leurs pères.

En islam, le Prophète enseigna la dignité humaine à une époque où l’esclave ne détenait pas même sa conscience. Il traita d’abord son servant Zayd comme un fils avant de concrétiser son adoption. Il proclama le Code de l’équité même entre un maître et son servant : « Ce sont vos frères, Dieu les a mis sous votre autorité, nourrissez-les de ce que vous mangez, habillez-les de ce que vous vous habillez et ne les chargez pas de ce qu’ils ne peuvent faire. Si vous les chargez, alors aidez-les ! »

Au-delà du code éthique, l’affranchissement fut d’emblée un moyen de se rapprocher de Dieu : « Quiconque affranchit un esclave, Dieu épargne de l’Enfer chaque membre de son corps. » Le Coran corrobore cet idéal libérateur en élevant l’affranchissement comme le moyen principal de mériter le pardon de Dieu.

Un jour de jeûne incomplet, rattrape-le en affranchissant un esclave. Une promesse non tenue : retrouve ta sincérité en offrant la liberté (Coran, sourate 5, verset 89). Une parole humiliante envers ton épouse : reviens humblement à Dieu et libère un joug (s. 58, v. 3). Et, au-delà de l’aspect juridique, l’élévation spirituelle accomplie consiste également à se délester de tout lien d’asservissement (s. 90, v. 13). Dieu incite d’ailleurs fortement à offrir aux esclaves une vie de famille normale (s. 24, v. 32). Enfin, les recettes fiscales et l’aumône doivent dédier une partie à leur affranchissement (v. 2, s. 177).

L’égalité des hommes décrétée par Dieu efface les castes qui imposent des mariages entre personnes de même rang. Pour Dieu, seule la foi peut servir un choix vertueux, quand bien même la modestie de l’autre parti pourrait faire surface (s. 2, v. 221).

La sourate d’ouverture du Coran, la plus présente chez les croyants, rappelle un « pacte » entre l’homme et son Seigneur : « C’est Toi que nous servons, et c’est Toi à qui nous implorons secours. » Ainsi Dieu s’est-Il réservé l’exclusivité de la servitude. Il en fait d’ailleurs la raison principale de la création de l’homme.

Mais que signifie réellement cette servitude envers le Tout-Clément ? Dans un long passage, Dieu énumère les qualités de Ses serviteurs volontaires, un service continu se manifestant autant par une spiritualité profonde que par une éthique élevée dans la société (s. 25, v. 61-77). Le Prophète nous enseigne que le maître des gens est en réalité celui qui les sert le mieux.

Tout comme sont stigmatisés les esclaves de ce bas monde aux menottes invisibles, au service de leur cupidité, de leur apparence, de leurs passions. Les esclaves de Dieu s’affranchissent de ces attaches et se consacrent à la lieutenance qu’Il leur a confiée, s’en remettent à Son influence et font des choix réfléchis. Le Coran nous a cité des exemples : Jésus, qui se présenta dès sa naissance comme missionnaire-esclave de Dieu ; ou Joseph, que la condition de serviteur d’un notable n’a pas surpassé sa loyauté ; ou encore Moïse, ayant dès la naissance échappé à un destin funeste, envoyé pour libérer son peuple du joug de Pharaon. Rien de plus agréable à Dieu qu’un esclave reconnaissant, nous rappelle-t-Il au sujet du prophète David.

La prière salutaire offre au croyant et à la croyante l’occasion de s’humilier devant la majesté du Tout-Puissant. Libéré-e de ce monde et des carcans mondains, aligné-e à égalité avec ses frères et sœurs, chacun-e se blottit près de Son maître, plus près de nos cœurs. Cette prière collective, d’une efficience amplifiée, est une « maquette » de la condition humaine idéale : orientée sur un objectif divin, au diapason dans les gestes et les propos, d’une discipline parfaite.

En ce mode « moderne », d’autres formes d’asservissement se généralisent. L’exploitation salariale, le mépris social, la violence politique ou même les discriminations sont des préludes à une servitude qui ne dit pas son nom. Le modèle humain de consommateur-travailleur est aussi un asservissement à un système inégalitaire et illusoire, réduisant l’homme et la femme à une valeur marchande.

Il est nécessaire de contrer ces injustices subies et de présenter à chacun-e le service choisi sous l’ombre de Dieu. « Nous sommes venus pour libérer les hommes de la tyrannie de leur semblables pour leur proposer la servitude à Dieu » répétaient les pionniers de l’islam aux différents peuples rencontrés.

Parce que pour l’être humain la justice est une aspiration élevée, parce qu’il renvoie l’amour égalitaire qu’il reçoit, parce qu’il en va de la survie de sa bonté : soyez libres, égalitaires et fraternels ! Parce que c’est ainsi que l’on gagne sa liberté !

Par Hamza Braiki, homme libre.






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