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Religions

Financement des lieux de culte : le casse-tête des autorités locales (2/3)

En Allemagne, un projet de mosquée suscite des remous

Rédigé par Assmaâ Rakho Mom | Vendredi 20 Juillet 2007 à 15:36

           

A Cologne en Allemagne, le projet de construction d’un grand centre culturel musulman suscite des remous. L’extrême droite s’insurge tandis que certains prélats, dont le cardinal de Cologne, Mgr Joachim Meisner, font part de leur « malaise ». Qu’en est-il réellement et comment finance-t-on les cultes outre-Rhin ? Ce sont, entre autres, les questions que Saphirnews a posées à Nikola Tietze, sociologue au Hamburger Institut für Sozialforschung qui travaille actuellement sur les constructions de communauté en France et en Allemagne.



Organisé pour la première fois en 2006, un sommet sur l'intégration des immigrés et étrangers a eu lieu à Berlin en Allemagne le 12 juillet dernier sous la présidence de la chancelière Angela Merkel. Réunissant des représentants politiques, économiques et des associations travaillant sur l'immigration et l'intégration, le sommet a été boycotté cette année par de grandes associations représentant la communauté turque du pays, en raison du vote récent d'une loi sur l'immigration. Par ailleurs, l'association Ditib, deuxième organisation représentant la communauté turque, milite pour la construction d'une grande mosquée à Cologne.

Environ 2,5 millions des habitants en Allemagne sont d'origine turque, sur une population totale de 80 millions. Et l'Allemagne, devenue « terre d'immigration » selon les propres termes employés par Angela Merkel, voit s'installer durablement ceux qu'elle avait contribué à faire venir en tant que « travailleurs invités » (« Gastarbeiter », en allemand). Une installation qui ne se fait pas sans craintes ni troubles. Et le projet de mosquée à Cologne en est une belle illustration.

Ce sont les deux minarets atteignant 55 mètres ainsi que la coupole de verre de 34 mètres qui posent le plus problème et font le plus débat, entre autres considérations. Située dans la banlieue de Cologne, plus précisément à Ehrenfeld, la future mosquée devrait remplacer le hangar dont disposent actuellement les musulmans de la ville pour faire leur prière. Sur une surface totale de 22 000 m², le projet devrait, s'il voit le jour, comporter une mosquée ainsi qu'un centre culturel et commercial. La mosquée devrait pouvoir accueillir jusqu'à 4000 personnes.

« La mosquée viendra, c'est sûr » a déclaré Fritz Schramma, le maire (CDU) de Cologne, qui estime toutefois que les musulmans devraient « faire un pas en direction des riverains » en réduisant des proportions jugées monumentales afin de ne pas contribuer à créer une « ville dans la ville », un « club fermé ». Quand au parti d'extrême droite Pro-Köln (« Pour Cologne »), il estime, par la voix du conseiller municipal Manfred Rouhs, que « La taille du bâtiment conférera de facto une grande autorité aux imams, qui pourront alors exercer un pouvoir quasi juridique ».

Nikola Tietze, sociologue au Hamburger Institut fur Sozialforschung
Nikola Tietze, sociologue au Hamburger Institut fur Sozialforschung

Saphirnews : Pouvez-vous revenir brièvement sur ce projet de construction d’une grande mosquée à Cologne ?

Nikola Tietze : La mosquée est le projet de la DITIB, la fédération des associations islamiques contrôlées par l'Etat turc, et plus précisément celui d'une association locale de la DITIB. En fait, cette association possède déjà une mosquée sur le terrain en question (que l'Etat turc a acheté dans les années 1980). La mosquée sur le terrain est une ancienne usine. Elle a besoin d'être rénovée, et surtout elle est trop petite.
Le financement de la construction repose entièrement sur l'association. L'Etat turc n'intervient en principe plus dans le financement direct.
Selon le droit allemand, il n'existe aucune objection à la construction d'une mosquée, lorsque les maîtres d'ouvrage possèdent une autorisation de construction. Cette autorisation concerne en principe des questions techniques, l'esthétique urbaine et la sécurité. Dès lors sont posées des questions telles que 'y a-t-il assez de places pour les voitures des croyants', etc. Puisque le terrain de construction se trouve en périphérie urbaine, l'esthétique n'est pas vraiment un argument. Mais je ne connais pas les détails de la discussion sur place.

L'architecte, qui a dessiné le plan pour la construction, a aussi construit des églises. Il semble que le plan retenu pour la construction n'est pas le plan initial de la DITIB, mais un compromis avec des représentants de la commune, entre autres avec les représentants chrétiens locaux qui voulaient un bâtiment explicitement religieux. Alors, on a rajouté des minarets.

En fait, le projet n'a pas suscité des critiques au début. Mais un groupe d'extrême droite, Pro Köln, s'est approprié le sujet. Ce groupe a tenté de dominer les réunions sur la mosquée dans le quartier et a imposé les sujets de discussions.

La discussion sur la mosquée a dépassé les frontières du quartier, lorsqu'un intellectuel, Ralph Giordano (plutôt du centre politiquement) est intervenu à ce sujet. Il a pris l'exemple de la construction de la mosquée pour critiquer l'islam en général et surtout pour exprimer son dégoût à propos des vêtements des musulmanes. Il les a qualifiées de "pingouins." A partir de là, d'autres intellectuels (qui ne connaissent pas vraiment la situation à Cologne) sont intervenus, entre autres une sociologue, Necla Kelek qui est connue pour ses positions critiques sur l'islam. La discussion s'est par conséquent éloignée du problème local et concerne aujourd'hui des questions sur la place de l'islam en général en Allemagne.

Quels rapports entretiennent chrétiens et musulmans en Allemagne ?

Nikola Tietze : J'ai entendu dans une émission radio que le prêtre de la communauté catholique de Ehrenfeld, donc du même quartier, collecte des dons pour le projet de mosquée. Selon lui, la réalisation de la mosquée est une nécessité pour la vie dans le quartier.
En général, il faut distinguer les relations entre les croyants des relations entre les institutions religieuses. Alors, on peut observer une certaine évolution. Avant la réforme du code de la nationalité (lorsque les musulmans étaient en général des étrangers), en 2000, les représentants des Eglises chrétiennes ont plutôt soutenu les organisations islamiques dans leurs revendications de droits religieux. Mais depuis un certain temps, (peut-être à cause du fait que les musulmans sont au moins potentiellement aussi allemands que les Chrétiens, ou peut-être à cause du 11 septembre et le choc qu'une partie des terroristes vivaient en Allemagne), les représentants des Eglises accentuent les différences envers les organisations islamiques, voire revendiquent des privilèges par rapport aux musulmans. Des privilèges qu'ils fondent sur leur ancienneté et leur poids culturel.

Quels sont les enjeux relatifs à la construction de cette mosquée, outre le fait que Cologne abrite une des plus grande cathédrale au monde ?

Nikola Tietze : Je crois que la mosquée dans le quartier d'Ehrenfeld représente, aux yeux de quelques uns, une concurrence pour la cathédrale de la ville. Mais je n'ai jamais entendu cet argument. Les enjeux du débat résument plutôt l'ambiance actuelle en Allemagne envers l'islam, c'est-à-dire l'hostilité à un islam visible ou plutôt à la visibilité de l'égalité des musulmans dans le domaine des droits religieux. Comme montre l'historique de l'affaire, le débat se dénoue de la situation locale pour aborder des questions comme le statut de la femme dans l'islam, le problème du terrorisme, etc.

Cathédrale de Cologne
Cathédrale de Cologne

Quel est le régime concernant le financement des cultes (qu’ils soient juif, chrétien ou musulman) en Allemagne ?

Nikola Tietze : Le régime de financement des cultes est comparable à la France dans la mesure où l'Etat ne finance généralement pas les cultes. Mais la question du financement ne se pose pas. Les Eglises sont suffisamment riches, elles représentent le plus grand employeur privé en Allemagne. La grande différence entre les régimes allemand et francais est qu'il n'y a pas d'interdiction de financement, ni de règles qui prévoient un financement. Les cultes, une fois reconnus en tant que corporation de droit public, sont des interlocuteurs de l'Etat. En tant qu'interlocuteurs, leurs représentants concluent des contrats avec l'Etat
pour diverses activités dans la société. Dans ce cadre-là, les organisations cultuelles peuvent recevoir l'argent de l'Etat, mais cela dépend de chaque contrat. Les musulmans n'ont pas constitué d'organisation reconnue comme corporation de droit public. C'est
justement ce que plusieurs fédérations islamiques tendent d'obtenir. Une corporation de droit public a des privilèges dans plusieurs domaines des politiques publiques (par rapport au régime des dons, par rapport au droit du travail, etc.). Elle possède d'ailleurs le droit de concevoir un enseignement confessionnel à l'école publique, une place au conseil
audiovisuel, etc.




Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par OUMAR le 24/07/2007 19:58 | Alerter
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Financement des lieux de culte
Casse –tête des autorités locales

Ce qui est affirmés en titre, est certainement vrai en Europe, en particulier en France et en Allemagne.

Mais là où je suis, à Mayotte, collectivité territoriale, à plus de 95% de musulmans, ce n’est pas tout à fait le cas. C’est pire.

Ici les autorités locales, ne se sont jamais cassé la tête : elles n’ont jamais construit à proprement parler, un centre culturel islamique, mais toujours des « maisons des jeunes » où sont diffusés des jeux et des films américains… même pas français, américains.

C’est seulement en 2005 ou 2006, que les premiers centres culturels islamiques ont été programmés, un par le Conseil Général de Mayotte ,et un par la Commune chef lien, Mamoudzou.

Jusqu’à ce jour, ces deux projets n’ont pas fini, semble-t-il de faire la navette entre la Préfecture et la Collectivité concernée.

Pourtant, allez-y à Mamoudzou ou à Kawéni, vous constaterez, que les « maisons de jeunes » qu’on laisse construire sont vides, et les mosquées qu’on empêche de construire sont bondées, surtout chaque vendredi.

Mais je pose encore des questions : « pourquoi le financement des lieux de culte est-il un casse-tête ? »

La loi dans certains pays, sous certaines conditions, ne l’interdit pas.

Le problème semble provenir de la volonté des gens, des groupes, des partis…

Je sais que quelques Maorais sont adhérents aux partis d’extrême droite. Je crois que certains sont musulmans,pour ne pas dire tous .

La question principale que je m...  

2.Posté par msawri le 28/07/2007 18:51 | Alerter
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Laissons de côté le financement, l'argent si on le cherche pour une bonne cause, on le trouve toujours. En lisant dernièrement certains articles, j'ai été stupéfait d'apprendre que certains européens notamment d'extrème gauche soutiennent que la présence des mosquées et des minarêts représentent une menace pour la paix dans le monde.Je me suis dit ce n'est pas grave ce sont des hypocrites ou bien une minorité islamophobe, hypersensible à l'islam pour cause d'ignorance. J'ai changé d'avis concluant même à une manipulation lorsque j'ai pris connaissance de l'affaire de banlieue de Pérouse en Italie. Que les services de sécurité démentèle un réseau de térroristes magrébins, il n y a rien d'anormal. Nous applaudissons tous pour cette réussite. Mais qu'on nous dise qu'au cours d'une perquisition, il a été constaté que la mosquée de la localité de Ponté-Felcino n'est autre qu'un camp d'entrainement où des produits chimiques en quantité destinés à la fabrication des explosifs ont été saisis je ne peux penser qu'à une manipulation provoquée par l'un de ces groupes de mercenaires à la solde qui pillulent à notre époque dans tous les coins du monde. Les mosquées sont des lieux saint batties pour prêcher la paix. Ils sont ouvertes au public sans aucune exception. Que les services de renseignement les truffent de micros et d'appareils vidéo arrange parfaitement l'islam, religion qui, comme le christianisme et le judaisme, est universelle destinée à être connue par tous les peubles du ...  


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