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Points de vue

Dresde : des centaines de roses blanches pour Marwa

Un hommage contre l'islamophobie

Rédigé par Bettina Marchal-Gier | Samedi 18 Juillet 2009 à 04:33

           

Le Conseil des étrangers de la ville de Dresde, diverses associations et l’ambassadeur d’Égypte en Allemagne avaient appelé à un rassemblement, samedi 11 juillet, à la mémoire de Marwa El-Sherbini, assassinée le 1er juillet en plein tribunal.



Dresde : des centaines de roses blanches pour Marwa
Ils ont été des centaines à répondre à l’appel et à venir déposer des roses blanches devant l’hôtel de ville, habitants de Dresde ou d’autres villes, Allemands et étrangers, musulmans et non-musulmans.

Toutefois, le chiffre de 1 500 participants, avancé tout d’abord par la police et repris par les agences de presse – certaines parlant même de plusieurs milliers –, semble largement exagéré. Sciemment ? D’autres sources parlent de 800 participants, ce que confirme Wolfgang Donsbach, professeur en communication et fondateur de l’Institut du même nom à l’université technique de Dresde, dans la lettre ouverte « Dresde, réveille-toi ! », qu’il vient de publier au sujet de la xénophobie très présente à Dresde.

M. Bonsabach n’hésite pas à affirmer – et il n’est pas le seul – que l’idéologie xénophobe de l’extrême droite s’est déjà installée au sein de la société sinon allemande, du moins de Dresde, l’une des grandes villes allemandes comptant le moins d’étrangers.

Rappelant que cette commémoration a été retransmise et commentée à l’étranger, il estime à juste titre le nombre de participants dérisoire et dénonce également l’attitude des responsables politiques de la ville et du Land : le manque de soutien pour l’organisation de la commémoration de la part de la municipalité, la mairesse de Dresde (CDU) ne daignant pas interrompre ses vacances et se faisant représenter par un de ses adjoints, de même le ministre-président de la Saxe (CDU) ne se déplaçant pas et envoyant le ministre de la Justice et la ministre des Sciences comme représentants.

Il faut d’ailleurs bien constater que les responsables politiques, d’habitude si prompts à venir postillonner dans les micros, se sont fait tirer l’oreille avant de réagir ; et encore, très timidement.

Des politiques brillamment absents

Les Verts n’ont publié leur communiqué que le 10 juillet. Chez la CDU, c’est en quelque sorte motus et bouche cousue ! A-t-on peur de se faire renvoyer à la figure les campagnes électorales nettement xénophobes de Roland Koch dans le Land du Hesse par exemple ? Le gouvernement fédéral a envoyé la déléguée du gouvernement aux étrangers au chevet du mari de la défunte, toujours hospitalisé à Dresde.

La chancelière, Angela Merkel, n’a pas daigné s’exprimer personnellement, diligentant, dix jours après le drame, son porte-parole, et présentant, presque en catimini, ses condoléances au président égyptien lors du G8.

Quant au président de la République fédérale, dont le rôle ne dépasse guère celui de l’inauguration des chrysanthèmes comme au temps de la IVe République en France, il s’est tu également, préférant philosopher sur le rôle des banquiers ! Seule la SPD a profité de la cérémonie pour essayer de se profiler, mais il faut dire que, dans deux mois, on vote en Allemagne ! Franz Müntefering, secrétaire général des sociaux-démocrates, était donc samedi aux premières loges à Dresde, appelant les partis démocrates à travailler ensemble face à l’extrême droite.

Des médias à la traîne

De l’autre côté, les médias allemands ne font pas meilleure figure. Il a tout de même fallu une bonne semaine avant qu’ils ne couvrent l’événement dans sa véritable dimension et non pas comme un fait divers presque banal. Certains ont même – comme d’habitude pourrait-on dire – voulu attiser les peurs annonçant avec les images de l’enterrement de Marwa, à Alexandrie, des attaques « islamistes » envers l’Allemagne et l’Occident.

D’autres, plus sérieux, comme le Tagesspiegel, ont fait leur mea culpa parlant, enfin, d’un crime xénophobe, raciste ou même islamophobe, et s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles les médias n’avaient pas traité l’affaire plus amplement comme ce fut, par exemple, le cas, fin 2007, lorsque deux jeunes issus de l’immigration tabassèrent un retraité dans le métro de Munich.

Est-ce peut-être – et très certainement – parce que le cas de figure de Dresde ne collait pas avec les clichés si souvent colportés ? D’un côté, un Allemand sans formation et au chômage ; de l’autre, un couple de jeunes Égyptiens au cursus universitaire des plus présentables !

Marwa El-Sherbini était pharmacienne diplômée ; et son mari, actuellement doctorant en génétique et biologie moléculaire à l’Institut Max-Planck de Dresde, devait, à la fin de l’année, commencer sa carrière comme enseignant-chercheur à l’université Minufiyya, en Égypte.

Cela explique vraisemblablement pourquoi Andrea Dernbach, journaliste au Tagesspiegel, s’est intéressée de plus près à la personne de Marwa El-Sherbini, lui consacrant dans l’édition du 13 juillet un grand article, après s’être entretenue avec les amis de Marwa et sa famille.

Dans cet article, il y est également question du futur centre culturel islamique de Dresde, qui devra porter le nom de Marwa El-Sherbini. Ce projet n’est pas récent, Marwa elle-même y participait.

Mais les étudiants égyptiens de Dresde se sentent désormais dans l’obligation d’accélérer le projet, soutenus en cela par la famille El-Sherbini mais aussi par la direction de l’université de Dresde. Comme ils l’écrivent dans leur appel à contribution, ils envisagent ce centre culturel islamique, qui comprendra également un jardin d’enfants interculturel, comme un pont entre les cultures, un lieu consacré au rapprochement et à la compréhension mutuelle afin, disent-ils, que d’autres Marwa ne soient plus assassinées.

Espérons que leur projet aboutira très rapidement.


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