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Din records : une boussole dans le milieu du rap

Rédigé par Khadda Nawfel | Lundi 24 Janvier 2005 à 00:00

           


DIN records, une boussole dans le milieu du rap

 

 

 

Le Havre, ville normande, connue pour son port est aujourd’hui une place forte dans le milieu du rap français. Din records, est ce label indépendant qui tien tête face aux grosses structures. Mais les artistes de ce label, pour qui « la musique n’est qu’une deuxième façon de parler », prônent tous un rap conscient. Ils mettent en écriture leur vision de la vie dans les quartiers de France avec une plume trempée dans l’encre de la foi. Découverte de cette « poignée d’hommes qui pour leur peuple écrivent». La réussite de Din records en tant que label indépendant c’est aussi une façon de montrer que si on se prend en main, et si on se fixe des objectifs, les ambitions sont au rendez vous.

 

 

« L’histoire de Din records… »

L’histoire de Din records c’est l’histoire de Sals’a et proof, deux amis d’enfance du quartier Mont-Gaillard au Havre. Deux compères unis par la foi, unis par la musique et le goût pour l’écriture. En 1997 ils fondent leur groupe : Ness & Cité. Mais les maisons de disques étant situées sur Paris, leur situation géographique est un frein pour sortir un album. Débrouillards, ils s’associent à Brice, un ami Havrais, et décident de monter un label sous forme d’association afin de toucher des subventions, ce qui leur permettrait de sortir des disques. Din records est créé «  Ce qui nous relie au sein du label c’est la religion. C’est ce qui nous cimente, c’est notre garde-fou. C’est beaucoup plus facile avec des gens qui ont les mêmes objectifs que toi ».

En 1998, ils sortent un maxi (c'est-à-dire un 4 titres) Ness & Cité « haine story » en totale indépendance, avec Brice comme manager. Le maxi récolte un succès d’estime et place Le Havre sur la carte du rap. Ensuite la famille Din records s’agrandit avec l’arrivée d’autres artistes havrais, essentiellement des proches : le binôme Bouchées doubles « matière première » composée d’Ibrah, frère de Proof, et de Pad; de Samb, frère de Sals’a; et de Koto, Aboubak’r, Médine et Enarce des Mureaux. Tous ces artistes forment le collectif La Boussole « la Boussole, car nous sommes tous orientés dans la même direction malgré nos personnalités différentes. Malgré nos différents styles le mot d’ordre c’est rap conscient. On est là pour faire passer un message, il y a des jeunes qui nous écoutent, ce message là il faut le passer au mieux pour nous améliorer nous même et ainsi  essayer d’améliorer l’image que les autres ont des jeunes des quartiers ou des musulmans ». La boussole aussi parce que « leur arme de destruction massive c’est la prière ».

Suivront deux albums de Ness & Cité (« ghetto moudjahidine» et « Havre de guerre »), deux albums du collectif La Boussole (« On fait comme on a dis » et « Rappel »), un album de Bouchées Doubles (« matière grise ») et le passionnant album de Médine « 11septembre », qui prend pour thème les évènements de cette date et leurs conséquences dans le monde.  « C’est tout simplement ma vision du 11 septembre, la vision d’un jeune issu de l’immigration, musulman pratiquant et citoyen français. » raconte Médine, « aujourd’hui c’est un statut lourd à porter. J’ai été plus ou moins frustré par tout ce qu’on a entendu pendant trois ans sur cet évènement, tout ce qu’on a ressenti comme stigmatisation comme vulgarisation autour de la communauté musulmane. Cet album c’est un peu toute la frustration que tous les musulmans ont pus ressentir par rapport à ce qu’on est taxé : on est taxé d’intégristes, terroristes Benladenistes et tout les « -istes » de la terre. C’est un peu mon propre bilan. »

En mai 2002, pour mettre en place une grosse promo autour des artistes, l’association Din records devient une SARL. Avec toujours les trois associés : Proof, Brice et Sals’a et tous les artistes de la Boussole. Face à l’engouement du public, normand essentiellement, ils développent des ateliers d’écritures, ils créent leur propre marque et vendent pleins de produits dérivés : Sweats, T-shirts, casquettes… « On fait vraiment tout pour essayer de grappiller de l’argent à gauche, à droite pour promouvoir les albums. On veut montrer qu’on peut arriver à vivre du rap quand on est vraiment bien organisé, même en étant en province loin des grandes infrastructures parisiennes ».

 

« Groupe organisé »

Organisation : c’est leur leitmotiv. L’esprit d’équipe transparaît même au contact des membres du label. Ils mettent tous la main à la pâte pour faire fonctionner la SARL. Ibrah est chargé de l’infographie, Pad fait le coursier pour distribuer les colis, Enarce est responsable de la distribution, Aboubak’r s’occupe de la vente des produits dérivés et Samb et koto s’occupe de la sape, Sals’a lui il s’occupe de tout coordonner « C’est le Mr couteau suisse », Proof c’est la pièce maîtresse musicale, il fait tout les sons. Et Brice c’est le manager des artistes de la Boussole.

Cette organisation est la clé de leur réussite mais elle n’est pas simple à obtenir, comme nous le montre leur dvd «  Le prix de l’indépendance » sorti fin 2004. « On a sorti ce dvd  pour montrer aux gens comment on s’est structuré, que ça a été long et difficile. Au Havre, on nous voit comme des star parce qu’on brille un petit peu, tout le monde a le regard fixé vers nous, mais en réalité on galère encore aujourd’hui. L’indépendance c’est soit ça tourne soit tu coules, faut que tu produises. Beaucoup de personnes nous reproches d’avoir le monopole au Havre, mais on est parti de rien. Ils n’ont qu’à faire comme nous se bouger et avancer. Nous devancer même s’il le faut, le gâteau est assez grand, tout le monde peut manger. Les gens croient qu’on rigole, qu’on fait de la batterie dans un garage. Moi demain si je ne sors pas d’album je ne mange pas, je ne peux plus payer le loyer. Mais bon quoi que tu fasses il y aura toujours des gens qui viendront te trouver des problèmes. C’est ce qui se passe pour Din records, quand tu brilles un petit peu ça attire tous les regards et tous les regards ne sont pas bons, car certains te regardent avec le mauvais œil ».

 

« Le 3ème album »

Aujourd’hui l’actualité Din records c’est la sortie du 3ème album de La Boussole: « Le savoir est une arme », un rappel qui traverse le paysage rapologique français en lui donnant une conscience, dans la pureté de l’attitude, la violence du débit et la maturité du propos. C’est un album qui aborde des thèmes qui tournent autour du savoir « Sur cet album on a essayé tout simplement de faire comprendre que lorsqu’on a le savoir on détient une arme. Il faut connaître ses forces et ses faiblesses, être au courant de son histoire… Quelqu’un de fort c’est quelqu’un qui sait beaucoup de choses et qui sait les utiliser. On est à une époque ou on délaisse les livres car on préfère marquer des buts ». C’est un album qui s’adresse aussi bien « aux miskines des continents qu’on éventre », qu’à ceux qui nous diabolise « qui prennent un cas extrême pour nous généraliser ». Mais ils nous préviennent « On ne fait pas de prosélytisme, on ne met pas notre appartenance religieuse au premier plan dans nos textes, d’ailleurs on ne parle pas que d’Islam. Mais comment ne pas parler d’un truc que l’on pratique au moins 5 fois par jours. C’est notre quotidien ». Les prochaines sorties du label sont l’album de Samb, un deuxième de Médine, et une nouvelle version de l’album de Bouchées doubles.

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« Le monde de la musique »

Le rap n’est pour eux qu’un moyen de faire passer un message, ils savent ou placer leur priorités « C’est le son qui nous suit et pas l’inverse » nous disent ils dans l’album. D’autres dans le rap parlent de femmes, d’alcool, de shit…c’est triste mais c’est que ça doit être leur moteur eux on sent que leur drogue c’est la foi et ils considèrent cela comme un plus car elle les lie entre eux et ce lien va au-delà de la musique « Le monde de la musique est spécial car si tu n’est pas guidé ou bien entouré tu peux vite prendre la grosse tête et partir en vrille. C’est pour cela que l’on fait du rap conscient, on ne veut pas dire de la merde, on ne fait pas ça pour divertir les gens. Après au niveau du message, tu n’as pas forcement besoin de dire que tu es musulmans tant que ce que tu veux dire passe ».

A ceux que le côté hermétique du rap ne convient pas, ce label et ses artistes représentent  une ouverture d’esprit par excellence.

 

 

Nawfel… et Giovanni Gauhy

 

 

 

 

 






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