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Religions

Dialoguer, c’est s’humaniser

Dialogue interreligieux

Rédigé par Mustapha Amrani, secrétaire général de l’AOIF | Mardi 23 Décembre 2008 à 09:37

           

Qu’elles soient agnostiques ou de confession musulmane, chrétienne ou juive, ce sont près de 200 personnes qui ont assisté à la soirée nantaise de dialogue interreligieux. Tous ont salué la convivialité et l’apport de connaissances, et se sont promis de réitérer une telle rencontre.



Le 6 décembre, à Nantes à l’occasion du centenaire du Pr. Hamidullah, l’Association islamique de l’ouest de la France (Nantes) et le Collectif Hamidullah (Paris) ont organisé une soirée consacrée au dialogue interreligieux.

Il convient par conséquent, quand on vient à parler du dialogue interreligieux, de mentionner un précurseur de ce dialogue qu’était Muhammad Hamidullah et d’essayer de saisir les contours de sa personnalité et de comprendre comment un homme peut atteindre une vision débarrassée de toutes traces de fanatismes et d’esprit partisan, affirmant ainsi des principes de fraternité et proclamant haut et fort que toutes les religions sont dignes, et qu’elles apportent chacune à l’humanité une contribution essentielle permettant à l’homme de s’élever.

De gauche à droite : Père Maurice Borrmans ; cheikh Larbi Kechat ; Antony Torzec.
De gauche à droite : Père Maurice Borrmans ; cheikh Larbi Kechat ; Antony Torzec.
À cet effet, une table ronde a été organisée regroupant le Père Maurice Borrmans, professeur émérite à l’Institut pontifical d’études arabes et islamiques (PISAI) et cheikh Larbi Kechat, recteur de la mosquée Addawa, à Paris. Des témoignages sont venus, par la suite, compléter la table ronde : celui de Malika Dif, marraine du centenaire Hamidullah ; Bernard Pouclet, du Service diocésain des relations avec l’islam (SRI), et Saâd Chettouh, président du CRCM-Pays de la Loire. La soirée était animée par Antony Torzec, rédacteur en chef de la radio chrétienne Fidélité.

Il a fallu deux approches pour brosser le profil du Pr. Hamidullah. Celle du Père Maurice Borrmans, ne l’ayant pas connu directement, nous a dressé quelques traits qui distinguent Hamidullah des autres intellectuels musulmans, nous expliquant, dans son rôle de fin connaisseur, toute la difficulté que l’on trouve dans la traduction du Texte coranique, extrapolant ainsi l’esprit d’ouverture et de curiosité qui a animé le Pr. Hamidullah.

« Le dialogue doit amoindrir l’espace qu’il y a entre les cœurs »

Père Borrmans nous a ainsi parlé de l’accès direct du Professeur à l’ensemble de la production intellectuelle islamique, grâce à sa maîtrise des langues majeures de l’islam : l’arabe, le persan et le turc, et à sa capacité à lire dans le texte. Deux qualités essentielles pour tout commentateur invité à observer les faits, à les étudier en fonction d’un environnement et à en tirer des principes à travers une étude dialectique du texte et du contexte. Travail exigeant qui requiert une étude, une spécialisation et une grande prudence.
D’ailleurs, le Pr. Hamidullah a apporté des « rectifications à ses rééditions à chaque fois qu’il avait jugé que cela était nécessaire », a rappelé Père Borrmans. Ce qui traduit encore une fois son esprit d’ouverture, sa rigueur scientifique et son honnêteté intellectuelle. Toujours en quête de la vérité.

Le second aspect qu’il faut aborder quand on parle du Pr. Hamidullah, c’est sa dimension morale et spirituelle. Ce témoignage nous est rapporté par son disciple cheikh Larbi Kechat, qui nous a permis de vivre des moments très émouvants. Avec des mots simples, mais emplis d’émotion, il nous dit : « Je ne peux citer le Pr. Hamidullah sans l’avoir précédé de la mention “cheikh”. »
Et de poursuivre : « Cheikh Hamidullah était un grand travailleur, il accordait à la recherche une importance fondamentale. Il nous a toujours appris quelque chose. Il écoutait toujours les autres et réfléchissait à ce qu’il entendait avant de se faire une opinion. Il écrivait, il discutait et acceptait volontiers qu’on vienne le contredire. C’était là l’une de ses qualités les plus exemplaires, puisque l’homme doit toujours penser qu’il peut se tromper et qu’il doit se corriger. » Hamidullah était un homme noble et humble, toujours prêt à rendre service. Cet effort titanesque, il l’a déployé jusqu’à sa mort. C’était là l’idée de sa vie.

« Faire émerger le dialogue à partir de notre vécu quotidien »

Ce qui émerge de l’ensemble de ces témoignages, c’est précisément ce dont notre génération actuelle a besoin. Restaurer un dialogue animé par le respect et la curiosité de l’autre. À la suite de la lettre des 138 savants musulmans , adressée au pape Benoît XVI, les ouvrages et les forums consacrés au dialogue interreligieux affichent une volonté d’ouverture. Malika Dif, marraine du centenaire Hamidullah, considère que c’est une avancée importante : « Maintenant, le curé de la paroisse et l’imam de la mosquée auront quelque chose à se dire, puisque les hautes autorités religieuses auront donné l’exemple et donc une audience et une valeur de référence. »

De gauche à droite : Malika Dif, marraine du Centenaire Hamidullah ; Saâd Chettouh ; Bernard Pouclet.
De gauche à droite : Malika Dif, marraine du Centenaire Hamidullah ; Saâd Chettouh ; Bernard Pouclet.
Cependant, des questions subsistent. Comment aborder la question du dialogue interreligieux sans tomber dans un discours convenu ? Il est si facile de montrer un accord apparent, en ayant en réalité esquivé les vraies difficultés. Comment éviter de juxtaposer un ensemble de discours affichant des propos d’ouverture entièrement creux sans qu’aucune rencontre véritable ni échange aient pu avoir lieu ? Aussi, le dialogue interreligieux ne peut se réduire à la seule affirmation d’un partage de mêmes valeurs : ouverture, tolérance, amour, etc. Car qui, du reste, est contre l’ouverture, la tolérance et l’amour ?

Il n’y a de véritable dialogue que si nous sommes mûs et conduits à un déplacement non seulement de nos conceptions habituelles mais de notre manière même d’être. Déplacement qui, paradoxalement, nous permet de nous retrouver comme étant davantage nous-mêmes. On pourra ainsi arriver à de magnifiques réalisations et parvenir à créer une société nouvelle, conçue pour le plus grand intérêt de l’humanité, une société à laquelle aspire notre époque, car ni la philosophie, ni la psychologie, ni aucune discipline intellectuelle n’ont pu purifier et mobiliser les aptitudes inhérentes de l’homme.

Enfin, c’est de la conjugaison de nos efforts et par-delà la mémoire du Pr. Hamidullah que le CRCM-Pays de la Loire et le SRI espèrent inscrire la question du dialogue interreligieux dans une dynamique responsable, citoyenne, ouverte et plurielle, accordant ainsi un nouveau bail à notre société, en lui donnant un message d’espoir et de nouveaux objectifs vers lesquels elle pourra orienter ses ressources.

Ne laissant rien au hasard, dans le même esprit qui a plané durant toute la soirée, la rencontre a été clôturée par le thé de l’amitié et la promesse d’une rencontre prochaine.

Voir la rediffusion de la soirée sur le site de la Maison des savoirs


interview_d\_amara_bamba,_vice_president_du_collectif_hamidullah.mp3 Interview d'Amara Bamba, vice-président du Collectif Hamidullah.mp3  (6.07 Mo)






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