Cheikh Ahmed Jaballah, Directeur de l'IESH
SaphirNet.info : Comment expliquez vous les contradictions, au sein de la communauté musulmane française, sur la détermination du 1er jour du mois de Ramadan ?
Ces contradictions ont leur source dans des divergences entre les jurisconsultes. Ces savants du Droit, ne s’entendent pas sur la méthode à suivre pour fixer le début et la fin du mois. Les adorations en Islam sont liées au calendrier lunaire qui est basé sur la naissance de la nouvelle lune. Un croissant lunaire naît dans le ciel au début de chaque mois pour disparaître à la fin du mois et laisser la place à une nouvelle lune qui apparaît le mois suivant etc. A propos du mois de Ramadan, un hadith dit: « Commencez le jeûne avec l'observation de la naissance de la nouvelle lune et arrêtez le jeûne avec la naissance de la nouvelle lune (du mois de shawal) » Il y a eu un débat autour du terme « observation ». Les savants musulmans ont commencé à mettre en place des calculs astronomiques. L’Astronomie est alors devenue une science exacte. Il y a débat entre les savants.
Quels sont les termes de ce débat ?
La question est de savoir si on peut se baser sur le calcul pour définir la fin du mois. Lorsque le prophète dit: « commencez le jeûne avec l'observation de la naissance …», veut-il dire que l'observation n'est qu'un moyen? Les savants sont tous d'accord pour dire que l'observation est un moyen et n'est pas un acte d'adoration. Il y a donc deux avis: certains sont pour le maintien de la tradition de l’observation malgré les calculs qui peuvent déterminer avec précision les cycles lunaires. D'autres se disent : pourquoi ne pas se baser sur les calculs tout en maintenant l'observation en essayant de rectifier s'il y a erreur. Car il est parfois très difficile de confirmer la naissance de la nouvelle lune uniquement par observation. La marge d'erreur est très grande. Se baser sur les calculs astronomiques exactes et universels pour prévoir le début et la fin du Ramadan est préférable. Elle permet, aux musulmans en Europe par exemple, de prendre des jours de congés pendant l'Aïd, de réserver des salles... Il n'y a pas de raison de refuser les calculs.
Comment le Conseil européen de la Fatwa fait-il pour concilier les deux modes d'observation ?
C’est une conciliation assez difficile. Nous disons par exemple que nous allons adopter l'annonce de la naissance de la nouvelle lune, mais à condition que le calcul confirme que cette observation est correcte et possible. Si nous avons la certitude, comme ce fut le cas cette année, que le croissant de lune ne peut pas être observé le vendredi, ce qui était impossible scientifiquement, nous allons donc refuser. Nous adoptons une position à la condition qu’elle soit scientifiquement possible.
Que conseillez-vous aux musulmans de France pour les prochaines années ?
La divergence existe entre les musulmans et cela se répercute sur les musulmans vivant en Europe et en Occident… Je pense qu'il faut suivre le conseil juridique des pays musulmans qui regroupe des représentants de tous les pays musulmans. Ce Conseil a décidé de privilégier la prise en compte des calculs astronomiques et scientifiques. Je pense que cela résoudra les problèmes. En France, nous avons une instance (CFCM) qui représente les musulmans malgré ses difficultés. Et je pense que, malgré les difficultés, il faut adopter les calculs scientifiques. Si on n’arrive pas à ce que les musulmans du monde commencent et finissent le jeûne, il faut au moins que dans chaque pays nous gardions une unité.
En ce qui concerne la fête qui clôture le mois de Ramadan « Aïd el fitr’ » quelle est l’origine de ce terme
Al Fitr vient d’un mot arabe qui désigne la rupture. Il est lié ici à la rupture du jeûne du mois de ramadan. Cette rupture se fait tous les jours avec le coucher du soleil, mais la grande rupture est le jour de l'aïd. Pour cette raison, il est interdit de jeûner le jour de l’Aïd..
Comment fêter l'Aïd el-Fitr?
Si on revient à la tradition du prophète (S.A.W), l'Aïd est un moment de joie. Il est donc recommandé de porter de beaux vêtements, partager ce moment avec la famille, visiter les proches. Selon son pays d’origine, sa culture, chaque individu musulman a ses propres traditions. En Islam ces choses sont laissées à la tradition à partir du moment où ces traditions ne sont pas contradictoires avec les enseignements de l'Islam.