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Politique

Contre le séparatisme, prime sur le sécuritaire pour « conforter les principes républicains »

Rédigé par Myriam Attaf et Hanan Ben Rhouma | Jeudi 10 Décembre 2020 à 17:05

           

Le contenu final du projet de loi « confortant les principes républicains », aussi dite contre « le séparatisme », est désormais connu. Le texte présenté par le gouvernement sera examiné en début d'année 2021 à l'Assemblée nationale.



© Capture d’écran / Elysée
© Capture d’écran / Elysée
Le projet de loi « confortant les principes républicains », présenté en Conseil des ministres mercredi 9 décembre, date anniversaire des 115 ans de la loi de 1905, contient 51 articles destinés à renfoncer l'arsenal juridique contre « l’idéologie séparatiste » qui « a fait le terreau des principaux drames qui ont endeuillé notre communauté nationale ces dernières années », indique-t-on dans l'exposé des motifs du texte qui, pour l'essentiel, n'a pas bougé depuis la mi-novembre.

« Un entrisme communautariste, insidieux mais puissant, gangrène lentement les fondements de notre société dans certains territoires. Cet entrisme est pour l’essentiel d’inspiration islamiste », pointe le gouvernement.

« Il est la manifestation d’un projet politique conscient, théorisé, politico religieux, dont l’ambition est de faire prévaloir des normes religieuses sur la loi commune que nous nous sommes librement donnée. Il enclenche une dynamique séparatiste qui vise à la division », poursuit l'exécutif, ambitionnant avec le projet de loi d’en finir avec « l’impuissance face à ceux qui malmènent la cohésion nationale et la fraternité, face à ce qui méconnait la République et bafoue les exigences minimales de vie en société ».

Le gouvernement se défend d'un texte « contre la religion musulmane en particulier »

Après l'attentat à Conflans-Sainte-Honorine, la fermeté du gouvernement de lutter contre « les séparatismes » mais plus particulièrement l'islamisme radical est plus que jamais affichée, tout en cherchant à assurer que son offensive ne se veut pas dirigée contre les musulmans. Nombre d'entre eux expriment leurs vives inquiétudes quant aux multiples discours et actions du gouvernement initiés ces dernières semaines.

« Nous ne ferons jamais l’amalgame entre l’islamisme radical et le musulman. (...) Ce projet de loi est un projet de loi est un projet de libération des musulmans de l’emprise croissante de l’islamisme radical sur l’expression de leur foi », a soutenu Jean Castex dans une interview au Monde paru mercredi 9 décembre. « Ce projet de loi n’est pas un texte contre les religions, ni contre la religion musulmane en particulier. C’est à l’inverse une loi de liberté, c’est une loi de protection ; c’est une loi d’émancipation face au fondamentalisme religieux, et plus généralement face à toute idéologie ou dérive qui poursuivrait les mêmes finalités », a également appuyé le Premier ministre lors de sa présentation du texte.

Lire aussi : Gérald Darmanin : « C’est la grandeur des musulmans de France de constater qu'il existe des dérives au nom de leur religion »

Alors qu'une partie de l'opposition et des membres même de la majorité présidentielle se préparent à présenter des amendements contre le port du voile dans le cadre de ce projet de loi, le chef du gouvernement refuse d'ailleurs catégoriquement d'ouvrir cette possibilité.

« Sans préjuger d’éventuels futurs amendements, je ne pense pas que le débat sur le port du voile soit de nature à remplir les objectifs que nous poursuivons. Ce n’est pas le même sujet. Nous nous sommes déjà exprimés sur la question du voile pour les accompagnantes scolaires (en refusant toute loi d'interdiction, ndlr). Une jurisprudence du Conseil d’Etat a donné le cadre. Ce sujet ne fait pas partie de notre agenda car nous ne confondons pas l’expression de la foi religieuse et les atteintes aux valeurs de la République », a-t-il fait savoir.

Le volet social contre le séparatisme absent du texte

L'une des mesures phares du projet du loi, la fin de l’instruction à domicile à compter de la rentrée 2021, a fait l'objet d’un remaniement pour plus d'assouplissement après avoir été objecté par le Conseil d’Etat. La disposition a donc fait l'objet d’un remaniement pour tendre vers plus de souplesse. L'instruction en famille pourra être autorisée selon l'état de santé de l'enfant ou son handicap mais aussi selon la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique d’un établissement scolaire ou encore « l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Le gouvernement prévoit d'instaurer un régime d'autorisation administrative délivrée par les académies. « Autrement dit, si vous voulez vous soustraire au principe de la scolarisation, vous devrez obtenir l’autorisation des autorités académiques, dans le cadre de critères définis pour cela », précise le Premier ministre dans les colonnes du Monde.

En revanche, alors qu'Emmanuel Macron avait pointé la responsabilité de l'Etat dans l'émergence d'un séparatisme dans les quartiers en soulignant les lacunes des politiques de la ville menées ces dernières décennies, le projet de loi ne répond pas à l'exigence de passer des discours aux actes. Les deux articles consacrés au logement ont été écartés du texte final, comme le rapporte France Info. L'un visait à favoriser la mixité dans les logements sociaux, et l'autre à établir un cadre pour légiférer par ordonnance afin de prolonger la loi SRU, qui oblige depuis 20 ans les maires à atteindre un taux minimum de HLM dans leur commune, mais qui arrive à échéance en 2025.

« Nos mesures contre le séparatisme relèvent de la loi car elles touchent à l’exercice des droits et des devoirs. Ce n’est pas le cas des mesures sociales, comme le dédoublement des classes ou la rénovation urbaine, pour lesquelles on n’a pas besoin d’un texte législatif. Dans le domaine de l’égalité des chances, l’enjeu prioritaire reste la mise en œuvre opérationnelle de mesures déjà prises », estime Jean Castex.

Après la série d'attentats commis sur le sol français en octobre, c'est un projet de loi très porté sur le volet sécuritaire, et loin de refléter l'équilibre affiché par Emmanuel Macron lors de son discours aux Mureaux, qui va être examiné à l'Assemblée nationale dès janvier 2021. Il promet d'être très débattue. Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a promis de torpiller un projet de loi dévoilant, pour lui, des « intentions de stigmatisation à l'égard des musulmans ». Jusqu’à un millier d’amendements pourraient ainsi être déposés par son groupe parlementaire.

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