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Economie

Camille Sari : « Le Maghreb doit s'adapter à l'ère des grands marchés »

Rédigé par Pauline Compan | Lundi 31 Octobre 2011 à 13:30

           

Échanger pour se développer. Dans la zone la moins intégrée économiquement au monde, le Maghreb, la perspective d'une future union douanière entre les pays, fait rêver certains économistes. Entretien avec Camille Sari*, économiste et fervent défenseur d'une telle intégration économique.



L'économiste Camille Sari.
L'économiste Camille Sari.
Avec 2 % d'échanges intra-pays, le Maghreb est la zone du monde la moins intégrée économiquement. A titre d'exemple, la France et l'Allemagne effectuent 60 % de leurs échanges ensemble. Or les avantages à échanger avec des pays qui constituent la « zone économique naturelle » d'un pays sont évidents. Pour l’économiste Camille Sari, la constitution d'un grand marché de 85 millions de personnes avec les 5 pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Mauritanie) aiderait au développement, via les échanges intra-zone et représenterait un nouvel attrait pour les investisseurs étrangers. Saphirnews a pu demander à Camille Sari, économiste, pourquoi un tel projet est pertinent.

Saphirnews : Pourquoi envisager la création d'une zone économique intégrée au Maghreb ?

Camille Sari : Réunir les cinq pays du Maghreb créerait un grand marché de 85 millions de consommateurs, très attirant pour les industriels. De plus, le Maghreb bénéficie d'une certaine unité dans le domaine culturel. Les habitudes de consommation se retrouvent d'un pays à l'autre. Il y a donc des possibilités pour un grand marché unifié avec des consommateurs qui ont un profil similaire. Ce n'est pas le cas du marché européen, par exemple, et c'est un réel inconvénient. Si la Chine ou l'Inde se développent autant, c'est parce qu'ils bénéficient d'un marché colossal et unifié. Nous sommes désormais dans l'ère des grands marchés et le Maghreb doit s'adapter.

Quelles seraient les conséquences économiques concrètes de la création de ce grand marché ?

C. S. : Il y aurait un engouement pour la région de la part des acteurs économiques. De plus, un entrepreneur qui s'installerait dans un pays de l'Union aurait alors la possibilité d'exporter dans tous les pays. Cela ouvre des perspectives très intéressantes pour eux, d'autant plus qu'il existe une classe d'entrepreneurs maghrébins prêts à travailler ensemble.
Dans un autre registre, une telle union donnerait la possibilité au Maroc, à l'Algérie et à la Tunisie de créer la première production d'engrais dans le monde.
Mais le plus gros chantier est celui des énergies renouvelables, car ce sont des investissements très lourds. L'Algérie dispose de réserves de gaz et de pétrole, mais ces énergies ont une durée de vie limitée, il faut penser à l'avenir.

Vous proposez la création d'une monnaie commune pour faciliter les échanges...

b[C. S. : ]Il faut faciliter ces échanges mais sans aller directement vers une monnaie unique. Chacun garde sa monnaie, mais la devise commune accélère les transactions. Le grand Maghreb ne sera pas prêt pour une monnaie unique, d'autant plus lorsque l'on voit ses défauts avec ce qui se passe en Europe.
C'est l'économie qui doit faire la monnaie et non l'inverse.

Quels sont les blocages politiques à cet Union ?

b[C. S. : ]Le blocage plus important est entre l'Algérie et le Maroc avec le différend sur le Sahara. A mon avis, il y a des crises passions, des rivalités historiques, qu'il faut aujourd'hui tenter de dépasser. Cela passera aussi par le rajeunissement de la classe politique, car les hommes politiques actuels sont vieux et pleins de rancœur.


* Camille Sari vient de publier L'Algérie et le Maroc : quelles convergences économiques ?, aux éditions Cabrera, 2011. Disponible sur son site Internet ici






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