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Arts & Scènes

Avec « Lettres ouvertes », la calligraphie s’éclate à l’Institut des cultures d'islam

Rédigé par | Vendredi 22 Septembre 2017 à 17:00

           

Du 21 septembre 2017 au 21 janvier 2018, l’Institut des cultures d’islam (ICI) fait la part belle à l’art de la calligraphie. L’occasion d’observer les nouvelles évolutions et expressions de la discipline. L’exposition « Lettres ouvertes » met l’accent sur les notions de liberté et d’exil.



Hossein Valamanesh, Where do I came from?, 2013.
Hossein Valamanesh, Where do I came from?, 2013.
L’Institut des cultures d’islam (ICI) fait sa rentrée avec une exposition intitulée « Lettres ouvertes, de la calligraphie au street art », qui se déploie sur ses deux sites rue Stephenson et rue Léon (Paris 18e). Cette installation fait le pari de donner un coup de jeune à un art millénaire, qui allie la poésie des mots et la poésie des formes et des couleurs.

Dans la plupart des œuvres exposées, les artistes se sont affranchis de la langue arabe et les courbes dessinées peuvent être illisibles. « Une nation en exil », une série de gravures de l’Algérien Rachid Koraïchi, se présente comme une libre interprétation des textes du poète palestinien Mahmoud Darwich. Ami et correspondant du poète, le calligraphe a voulu retranscrire la douleur du peuple palestinien. Les tableaux sont ornés de symboles qui se rapprochent de la calligraphie asiatique. L’œuvre, qui date de 1981, est complétée par des reproductions des poèmes de Darwich, retranscrites par l’Irakien Hassan Massoudy dans un style coufique.


Parastou Forouhar, Written room, 2012.
Parastou Forouhar, Written room, 2012.
La calligraphie est un art qui s’est développé en terres d'islam pour répondre à l’interdiction de représenter des objets vivants. Comme le rappelle la présidente de l’ICI Bariza Khiari jeudi 21 septembre à l'inauguration de l'exposition, l’avènement de l’imprimerie a libéré cet art de sa « mission religieuse ».

Pour autant, l’écriture de la langue arabe reste aujourd’hui considérée comme sacrée. L’Iranienne Parastou Forouhar propose cependant à l’ICI une expérience rare. Une pièce entière a été recouverte d’inscriptions dans un arabe illisible inspiré de la langue farsi. Elle expose ainsi sa notion de l’exil, lorsque sa propre langue devient incompréhensible. Des balles de ping-pong, recouvertes également de sa calligraphie et disséminées dans la pièce, renforce l’impression d’éparpillement et de fragmentation du langage et de la pensée. La salle en est recouverte du plafond au sol et formule ainsi une invitation à une transgression : les visiteurs peuvent piétiner l’œuvre, fouler au pied des inscriptions en arabe.

Une pratique inconcevable dans une autre ville arabe, selon Nja Mahdaoui, calligraphe présente lors de l'inauguration. Cependant, les phrases restent suffisamment espacées pour qu’un visiteur scrupuleux puisse choisir de ne pas marcher dessus.

Dialogues d’artistes internationaux

Le calligraphe tunisien Khaled Ben Slimane, formé aux Beaux-Arts de Tunis et à l’Escuela Massana de Barcelone, a la particularité d’avoir voyagé au Japon en 1982 et d’avoir assimilé là-bas une autre technique de calligraphie. Ses gestes nouveaux ont imprégné ses œuvres. L’ICI expose ses Ceramic ball, sa Composition de cônes en céramique. On peut y lire dessus l’inscription « Huwa », synonyme du « Lui », désignant Dieu, qu’on peut retrouver fréquemment dans les travaux du Tunisien.

Dans la même pièce, sur un mur, la Japonaise Mari Minato lui a répondu avec une œuvre in situ réalisée spécifiquement pour l’exposition. Une fleur éclatée en aluminium et en peinture acrylique éclaire la pièce. L’artiste nous explique comment la représentation de la nature a inspiré la création des lettres et des mots dans la calligraphie japonaise. Pour son « Mineral », elle s’est appuyée sur ses recherches et notamment la collection d’objets irakiens du Département des arts de l’islam du Louvre. Enfin, les « leporellos », livres accordéons japonais qui témoignent de l’exil et des voyages de la Libanaise Etel Adnan, complètent le triangle.

« Lettres ouvertes », côté rue

Comme son nom l’indique, le street art est à sa place dans la rue plutôt que sur des toiles dans un musée. L’ICI a reproduit une version taille réduite d’une fresque murale d’Ammar Abo Bakr, réalisée au Caire près de la place Tahrir en 2012.

Au départ, il s’agissait de dessins qui offraient une vue imaginaire sur l’intérieur des maisons recouvertes par la fresque. Puis l’œuvre a évolué à mesure que la situation du pays changeait.

Des portraits de supporters d’Al Ahly, morts au cours d’un mouvement de panique dans le stade de Port Saïd en février 2012, ont été ajoutés. Les tenants du régime de Moubarak ont été soupçonnés d’être à l’origine de ce drame. Ce sont ensuite des portraits de mères pleurant leurs enfants martyrs de la révolution qui ont été additionnés à la fresque. La « fresque de Port Saïd », qui s’étend sur plusieurs dizaines de mètres, a enfin été recouverte du message sarcastique suivant : « Oubliez le passé et restez avec les élections. »

Smaïl Kanouté & SIFAT, Callidanse, 2017.
Smaïl Kanouté & SIFAT, Callidanse, 2017.
Tarek Benaoum, spécialiste du calligraffiti va, quant à lui, s’emparer d’une des façades de l’ICI Léon, pour l’habiller d’une fresque monumentale de plus de 200 m2. L’artiste va calligraphier, dans des styles inspirés des cultures africaines, berbères, amérindiennes et latines, des textes tirés d’auteurs du Maghreb et du Moyen-Orient. Grâce aux couleurs vives et phosphorescentes employées, la fresque sera visible de jour comme de nuit pour les habitants du quartier.

Dans le cadre de la Nuit Blanche, le 7 octobre, le danseur parisien Smaïl Kanouté et la street artist bengalie SIFAT vont se livrer à une prestation de callidanse. Au rythme de sonorités électro, de notes de violoncelles et de kora, les deux performeurs vont produire une œuvre originale, inspirée de l’univers de Keith Haring et des « alponas », dessins traditionnels du Bangladesh.

Voir le programme complet ici





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