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Société

Au Musée de l'histoire de l'immigration, la Dilcra défend son bilan

Rédigé par | Jeudi 1 Décembre 2016 à 08:00

           

La Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme a présenté jeudi 24 novembre son bilan à mi-étape de son plan 2015-2017. Dans l’enceinte du Palais de la Porte Dorée, des acteurs associatifs, des chercheurs et des ministres sont venus rendre compte des actions entreprises depuis un an et demi. Nommé à la tête de la Dilcra lors de sa relance début 2015, Gilles Clavreul a accordé un entretien à Saphirnews.



La Dilcra a défendu son bilan lors d'un colloque organisé le 24 novembre en présence de plusieurs ministres. Ici, la ministrèe de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem.
La Dilcra a défendu son bilan lors d'un colloque organisé le 24 novembre en présence de plusieurs ministres. Ici, la ministrèe de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem.
Décembre 2014. Après une brutale agression à caractère antisémite à Créteil, le Premier ministre Manuel Valls annonçait que la lutte contre le racisme et l'antisémitisme serait classée « grande cause nationale 2015 ». La délégation interministérielle consacrée à cette lutte, en sommeil depuis des années, avait alors été relancée. Une journée de mobilisation a été organisée, jeudi 24 novembre, pour présenter le bilan du plan d'action de la Dilcra dans le Musée de l'immigration à Paris, en présence de personnalités comme les historiens Benjamin Stora et Pascal Blanchard. L'occasion de communiquer sur le travail de cette institution, placée sous l’autorité du Premier ministre et dont le représentant Gilles Clavreul s'est, à plusieurs reprises, écharpé ces derniers mois avec des mouvements antiracistes tels que le CCIF autour du traitement de la question de l'islamophobie.

Lors d'une des tables rondes, Hélène Geoffroy, secrétaire d'Etat au ministère de la Ville, salue la prise de conscience du problème des discriminations dont on ne savait pas autrefois « si elles relevaient de l'ordre du ressenti ou du réel ». « Aujourd'hui nous sommes en capacité de mettre en place des politiques de lutte contre les discriminations » ajoute-t-elle. Suite à un appel lancé en octobre 2015, 218 projets ont été financés par la Dilcra grâce à une enveloppe de 1,4 million d'euros. Répartis sur 60 départements, ils ont principalement concerné les actions pédagogiques, les formations et des services d'aide au victimes de discriminations.

La semaine d'éducation contre le racisme et l'antisémitisme relancée

La ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem a fait le déplacement pour parler des actions dans les établissements scolaires. Elle est d'abord revenue sur la baisse des actes racistes et anti-musulmans recensés en 2016. Elle s'est aussi félicitée de la hausse de la judiciarisation des affaires de racisme, annonçant que « la réponse pénale a augmenté de 30 % ».

Outre la relance en 2015 de la Semaine d'éducation contre le racisme et l'antisémitisme dans les écoles. la ministre a aussi impulsé la création de la Réserve citoyenne de l'Education nationale, un dispositif consistant pour des bénévoles issus de la société civile à se mettre à disposition des écoles pour « transmettre les valeurs de la République ».

« On s'est inspiré du modèle de la Réserve citoyenne de la Défense. En trois mois, nous avons reçu 5 000 candidatures », témoigne-t-elle. « Nous avons veillé à ce qu'il n'y ait pas de dingues, pas de prosélytisme, vérifié les différents fichiers. (...) Il a fallu du temps pour les enseignants s'en saisissent véritablement », précise Najat Vallaud-Belkacem, ajoutant qu'aujourd'hui, « 6 000 réservistes officient dont certains sont sollicités très souvent. Ils peuvent également intervenir auprès des parents d'élèves ». Elle annonce par ailleurs la création d'une centaine de postes de référents antiracisme dans les universités françaises et dont la mise en œuvre doit démarrer dès le 7 décembre prochain.

Le Premier ministre Manuel Valls.
Le Premier ministre Manuel Valls.

Manuel Valls veut « République forte contre le racisme »

C'est finalement le Premier ministre Manuel Valls qui a conclu la journée par un discours empreint de son habituel ton ferme. « Il faut que la République sois forte », a-t-il de nouveau affirmé. « Je n'accepte pas les accusations calomnieuses qui feraient de nos forces de police des racistes », a déclaré le chef du gouvernement, faisant certainement ainsi référence aux attaques de collectifs de lutte contre les contrôles au faciès et les bavures policiers.

Selon lui, « le temps où on pouvait verser sa haine impunément » est terminé. Il s'est à son tour réjoui de la forte de baisse des actes racistes et souligné qu'il s'agissait là « d'une invitation à ne pas baisser la garde ». Cependant, « un nom arabe diminue d'un tiers les chances d'obtenir un emploi, il faut le dire », rappelle Manuel Valls, qui juge qu'une « République forte contre le racisme » nécessite « un travail inlassable d'éducation et de transmission ». Le Premier ministre s'est ensuite lancé dans une plaidoirie à la gloire du génie français, invoquant pêle-mêle Aimé Césaire, Albert Camus, Louis-Ferdinand Céline et autres avant de conclure que « combattre le racisme, c'est l'affaire de la nation ».

Saphirnews : La baisse des actes antimusulmans et antisémites dont vous vous prévalez n'est-elle pas un trompe-l'oeil tant 2015 a été une année exceptionnellement violente ?

Gilles Clavreul : Il y a eu une hausse spectaculaire et très grave des actes antisémites en 2014 puis anti-musulmans en 2015 pour des raisons différentes mais avec des mécanismes qui se ressemblent. (...) Après les attaques de Charlie Hebdo, de l'Hypercasher et de Montrouge, il y a eu en janvier une flambée des violences et des actes de revanche sur des personnes qui n'ont rien à voir. Des musulmans ont été attaqués alors qu'ils étaient, on l'a vu par la suite (à Nice en particulier, ndlr), eux aussi des victimes du terrorisme. Mais il n'y a pas eu de nouveau une flambée après les semaines qui ont suivi les événements du Bataclan, de Nice ou de Saint-Etienne-du-Rouvray. Il n'y a pas eu de violence en rétorsion contre les musulmans, ça veut dire qu'on a réussi à changer quelque chose dans l'état d'esprit. Les mesures de sécurité et de protection des mosquées n'y sont pas étrangères. Le rappel d'un certain nombre de principes et de valeurs disant que les musulmans font partie de la communauté nationale et que l'islam est en France chez lui a certainement joué.

Un petit élément de comparaison internationale : pendant cet été 2016, on a beaucoup parlé du burkini. Énormément. Je pense qu'il y a eu une exploitation médiatique de cet événement, c'est une évidence. Pendant ce temps là, aux Etats-Unis, où on nous disait que tout allait bien et que la société y est plus tolérante parce qu'elle est beaucoup plus multiculturelle, il y a eu deux assassinats anti-musulmans. Dans l'Etat de New York, un imam et son collaborateur ont été tués. (...) On n'en a pas parlé. Puis deux mois plus tard, Trump a été élu. Je voudrais qu'on mesure aussi ce que ce modèle français, ces valeurs françaises nous permettent de faire face à des chocs d'une très grande violence.

A propos de la polémique du burkini, votre ministre de tutelle, Manuel Valls, l'a tout autant alimenté, non ?

Gilles Clavreul : En quoi faisant ? Je ne vais pas rentrer là-dedans mais en tout et pour tout, il y a eu une phrase prononcée au bout de plus de 15 jours, trois semaines peut-être, pour dire que, dans un moment de tension, il pouvait être légitime de chercher des solutions. (Manuel Valls s'est largement exprimé sur les arrêtés anti-burkini, déclarant les soutenir dès le 17 août, ndlr). Chercher des mesures pour protéger l'ordre public est légitime, personne ne le conteste, même pas le Conseil d'Etat, lisez bien les décisions qui ont été rendues. S'il y a un risque de trouble de l'ordre public avéré, des mesures de restriction des libertés individuelles peuvent exister. Il ne s'agit pas seulement d'un vêtement, cela peut être de toute autre nature.

N'oubliez pas Sisco (en référence à une rixe qui a éclaté en août dans cette commune corse, ndlr). Il n'y avait pas de burkini mais il y a eu un affrontement où la question identitaire, communautaire et religieuse n'était pas absente. Je ne vais pas revenir sur les faits eux-mêmes mais je les connais particulièrement bien et je me suis entretenu plusieurs fois avec le maire de Sisco. En revanche, utiliser ce genre de polémiques à des fins de propagande politique ou identitaire... je dis non. Le Premier ministre l'a dit et j'observe qu'on l'a moins relevé alors que c'était le cœur du sujet. Le piège est de tomber d'un côté ou de l'autre : mobilisation identitaire contre mobilisation identitaire. Qu'est-ce qu'on y gagne ? Rien. Surtout pas les musulmans, pris en otage dans ce genre d'affaire.

Les projets soutenus par la Dilcra tournent beaucoup autour d'actions envers la jeunesse mais ce ne sont pas les jeunes qui discriminent à l'embauche ou au logement en France.

Gilles Clavreul : Ces jeunes à qui on enseigne les principes, les fondements de notre histoire, seront demain employés d'un bailleur social, professeurs ou autres. Ils auront eux-mêmes des responsabilités. Lors du comité interministériel à l'égalité et la citoyenneté de Vaulx-en-Velin (Rhône), le Premier ministre a dit que nous devons avoir une action plus forte contre les discriminations. Nous sommes en train de préparer avec Hélène Geoffroy toute une série de mesures, d'orientations pour mettre un coup de booster. Plusieurs initiatives ont été prises comme le testing dont les résultats ont été rendus publiques par le ministre du Travail (en novembre).

Mais on sait déjà depuis des années qu'il y a des discriminations.

Gilles Clavreul : On le savait mais on ne l'avait pas matérialisé de façon aussi nette. Il n'y avait pas tant d'études que ça en réalité. Là, on a un résultat incontestable qui permet d'aller vers les employeurs et de leur dire : « Jouons cartes sur table : il se passe des choses, vous ne pouvez pas dire que c'est compliqué, il y a un problème à résoudre. » Après, il ne s'agit pas d'incriminer tel ou tel responsable ou de désigner des boucs émissaires. Les discriminations sont compliquées, elles agissent de manière souterraine, il faut des solutions multiples. Nous travaillons avec Hélène Geoffroy sur comment rapprocher les employeurs installés très près des quartiers prioritaires et leurs populations qu'ils ne connaissent pas. Symétriquement, on réfléchit sur la façon d'accompagner des jeunes qui n'ont pas les réseaux ni les codes.

Ne travaillez-vous pas sur des mesures de coercition envers les employeurs ?

Gilles Clavreul : Tant que les modes d'administration de la preuve pénale - qui sont ce qu'ils sont et qui doivent rester ce qu'ils sont car nous ne devons pas envoyer des gens en prison sur la base de simples allégations – permettent des chiffres compris entre 9 et 15 condamnations pour discrimination raciale par an dans la France entière, penser qu'on va régler le problème par la coercition est un leurre. On doit le faire autant que possible. Le testing mène à dire aux gens : « Attention maintenant vous êtes avertis, la prochaine fois, ce sera autre chose. »

Il y a aussi la réponse par la voie civile. Elle est un peu technique mais elle permet d'obtenir beaucoup plus facilement des réparations financières parce que les modes d'administration sont moins lourds. L'employeur doit prouver sa bonne foi alors qu'en matière pénale, c'est l'inverse. Il faut sans doute développer ces procédures civiles. Nous devons aussi lutter de manière massive contre le fait qu'il y a des jeunes qui ont un comportement exemplaire, qui ont des diplômes... bref, qui jouent le jeu de la République mais qui se prennent un mur. Il faut qu'on amène les employeurs à connaître cette réalité.

Comment appréhendez-vous la campagne présidentielle qui s'annonce, avec les musulmans qui risquent d'être fréquemment ciblés ?

Gilles Clavreul : Je suis très attentif et soucieux qu'il n'y ait pas de dérapage dans le débat public. Je prendrai, à chaque fois que nécessaire, mes responsabilités pour pointer des dérives. Il y a eu des dérapages homophobes massifs lors de la campagne de prévention contre le VIH. Il y a eu une instrumentalisation politique inacceptable. De la même manière, j'avais déféré la campagne d'affichage de Robert Ménard contre les migrants. J'estime qu'elle est illégale et qu'elle doit être sanctionnée. Quels que soient les responsables politiques et leur bord, il faut rappeler quelques évidences et vérités historiques.





Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Nour le 01/12/2016 11:27 | Alerter
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Bonjour,
La DILCRA est placée sous l'autorité des services du Premier ministre et non du ministère de l'Intérieur pour votre bonne information.
Bonne journée,
NA


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