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Société

Abdelaziz Chaambi : son CRI contre l'islamophobie en France

Rédigé par | Jeudi 18 Décembre 2008 à 19:14

           

Selon un sondage publié récemment, deux tiers des musulmans en France ont le sentiment qu'il existe « une hostilité très forte ou assez forte à l'égard de l'islam ». Un sondage révélateur d'une islamophobie latente qui s'expose de plus en plus depuis la loi du 15 mars 2004 interdisant le port des signes religieux dans les écoles primaires et secondaires. Considérée comme une loi liberticide et islamophobe, quelques structures, à commencer par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), se battent contre ce fait social qui a tendance à s'institutionnaliser. Mais elles ont du mal à s'affirmer. Depuis peu, une nouvelle structure a vu le jour : la Coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI). Abdelaziz Chaambi, son fondateur, revient sur sa création pour Saphirnews.



Abdelaziz Chaambi : son CRI contre l'islamophobie en France

Saphirnews : Pourquoi avoir créé la Coordination contre le Racisme et l'Islamophobie (CRI) ?

Abdelaziz Chaambi: Tout simplement parce qu'il y a une montée en puissance de l'islamophobie en France, surtout depuis la loi du 15 mars 2004 qui vise les musulmans en premier lieu, quoi qu'on en dise. En interdisant le port du voile, la République française a décidé d'exclure nos femmes et nos filles de l'espace public et c'est inadmissible car au nom de la laïcité, on fait de la discrimination. Dernièrement, je suis intervenu dans une affaire impliquant un frère souhaitant se marier. Il lui a été indiqué par une fonctionnaire municipale que la mairie du 8e arrondissement (de Lyon, ndlr) pouvait ne pas célébrer son mariage car sa femme est voilée... et les exemples sont nombreux.

L'ampleur de la discrimination en France est telle qu'on a recensé près de 220 000 actes discriminatoires en 2006. Seulement 50 cas ont fait l'objet d'un jugement mais les actes islamophobes ne sont pas comptabilisés, d'où l'importance d'un observatoire capable de mesurer au plus prêt l'ampleur du phénomène. Les organismes existants actuellement, du type Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, ndlr) ou SOS Racisme, ne prennent pas le problème à bras le corps. Il manque un outil en France capable de combattre efficacement l'islamophobie et la CRI aspire à être celui-ci.

Vous dénoncez, comme beaucoup, l'islamophobie institutionnelle. Mais sur ce plan, le CCIF (Collectif contre l'islamophobie en France) et le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples) partagent le même combat. Pourquoi ne pas les rejoindre tout simplement? Pourquoi fragmenter davantage la cause ?

Abdelaziz Chaambi: Concernant le MRAP, il est bien l'un des seuls à se positionner sur ce terrain. Mais beaucoup en son sein "veulent la peau" de Mouloud Aounit (président du MRAP, ndlr). De plus, il nous faut un outil plus spécialiste sur la question comme il y en a pour l'antisémitisme. Le travail de la CRI est complémentaire à celui du CCIF. Ce collectif traite des affaires d'islamophobie sur le plan juridique; la CRI sur le plan politique.

Mais justement pourquoi ne pas appuyer le CCIF dans vos démarches pour donner plus de crédibilité à ce combat tant légitime? Le collectif a déjà beaucoup de mal à s'affirmer...

Abdelaziz Chaambi: Je suis bien entendu pour une cohésion de tous. Cependant, chacun a sa manière de combattre. Le CCIF ne veut pas ébruiter certaines affaires en cours. Contrairement à celui-ci, la CRI choisit une posture offensive, on ne veut pas se laisser faire. J'ai un parcours militant depuis de nombreuses années et ce n'est pas aujourd'hui que je vais baisser ma tête. Je n'accepte pas que nos filles soient exclues de la société et je ne veux pas que l'Islam reste discret en France comme certains responsables musulmans le veulent. L'islamophobie en France est telle que beaucoup veulent camoufler leur islamité par peur. Beaucoup comme moi n'ont pas honte d'être musulmans et on veut se battre pour reconnaître nos droits.

Alors qu'apportez-vous de nouveau ?

Abdelaziz Chaambi: Aujourd'hui, tout le monde est d'accord pour dire qu'il n'y a pas de hiérarchisation des racismes. Tous, à commencer par M. Sarkozy, parlent de leur refus de l'islamophobie. Mais rien n'est fait pour lutter contre. On veut qu'elle soit reconnue, au même titre que l'antisémitisme, au niveau politique en faisant d'elle un délit grave. On veut aussi interpeller le système en ouvrant cette coordination aux musulmans de toutes tendances politiques comme aux non-musulmans pour rassembler le plus de monde possible pour un même combat... La CRI veut amener des gens qui ne sont pas concernés par l'islamophobie, et le racisme de manière plus générale, à se battre à nos côtés. Dans l'intérêt général, on veut bien du soutien de "Gaulois" dans notre combat. C'est nouveau et c'est une manière comme une autre d'y arriver.

Quels moyens avez-vous à votre disposition? Pensez-vous être plus efficace que les autres acteurs ?

Abdelaziz Chaambi: A terme, on veut bien être un outil incontournable sur les questions de l'islamophobie comme la Licra et le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France, ndlr) le sont pour les questions d'antisémitisme et de révisionnisme. Pour cela, on va interpeller la classe politique en faisant un maximum de bruit au niveau médiatique et en conduisant des campagnes ciblées et des actions dites spectaculaires.

Aujourd'hui, les cotisations personnelles sont nos principales ressources mais on va vite solliciter des subventions publiques et des mécènes pour nous renforcer. Mais l'argent n'est pas forcément le premier critère de l'efficacité! Aller occuper le bureau d'un député, manifester ou faire interdire un colloque ne nécessite aucun frais. Il faut juste des hommes et des femmes bien décidés à se battre sur le terrain. On a actuellement une soixantaine de personnes à Lyon prêts à agir dont un avocat prêt à défendre nos intérêts gratuitement et je suis sûr que la CRI va drainer beaucoup plus de monde dans les semaines et mois à venir.

Site du CRI


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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