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Histoire

17 octobre 1961 : littérature, musique, arts de la scène, un enjeu mémoriel

Rédigé par Djalila Dechache et Mounir Benali | Lundi 17 Octobre 2011 à 16:34

           

Que s’est-il vraiment passé ce 17 octobre 1961 en France ? Date longtemps refoulée, il faudra attendre des décennies pour mettre des mots sur cette phase ultime de la guerre d’Algérie. L’événement sanglant devient alors prise de conscience et motif d’engagement pour les auteurs et les artistes.



Littérature : reconstituer la mémoire

L’action de Jean-Luc Einaudi, citoyen militant de la première heure dans la recherche de la vérité, a jeté un pavé dans la marre et levé la chape de silence.

17 octobre 1961 (Actes Sud, 2002), ouvrage de référence, comprend l’intégralité des photographies du 17 octobre réalisées Elie Kagan – un des rares photographes de presse ayant pu rendre compte des événements – et un texte introductif de Jean-Luc Einaudi. Le 17 octobre des Algériens fait, quant à lui, figure de document exceptionnel avec ses textes inédits de 1962, signés Marcel et Paulette Péju, suivis du texte La Triple Occultation d’un massacre, de l’historien Gilles Manceron (La Découverte, rééd. 2011). L’ouvrage contient de nombreux témoignages d’Algériens recueillis à chaud, ce qui est plutôt rare et dont la lecture transforme de l’intérieur.

Paris 1961, de Jim House et Neil Mac Master (Tallandier, 2008), deux historiens anglais qui posent la question de la méthode pour traiter les sources et archives à partir d’une réflexion historique sur la mémoire.

Ouvrage collectif, 17 octobre 1961, 17 écrivains se souviennent (Au nom de la mémoire Éd., 2011) rassemble le témoignage de 17 auteurs différents, parmi lesquels : Bernard Chambaz, écrivain ; Salah Guemriche, écrivain ; Nacer Kettane, directeur de radio et de télévision ; Mehdi Lallaoui, cinéaste ; Mehdi Charef, écrivain et cinéaste ou encore la journaliste Samia Messaoudi.

Recueil de témoignages sous forme de 17 nouvelles romancées, 1954-1962. La Guerre d’Algérie. Portraits croisés, de Nadia Henni-Moulaï, fait se raconter des acteurs du conflit : militants présents en métropole, couturière du FLN, mères de famille…

La BD Octobre noir (Adlibris, 2011), texte de Didier Daeninckx et illustration de Maxo, recrée le Paris des années 1960 et donne en fin de volume la liste nominative des disparus. « Le genre BD permet de sensibiliser les jeunes, qui oublient bien souvent ce qu’ils doivent à leurs parents », estime Aïssa Derrouaz, directeur d’Adlibriz et initiateur du projet. « Le 17 octobre 1961 est une date qui me touche de près, poursuit-il. Mon père y était. Je suis imprégné de cette date niée, que je mets en parallèle avec Charonne (station de métro où décédèrent, en 1962, des manifestants contre la guerre d’Algérie, ndlr). » Un hommage à Fatima Bédar, adolescente qui a bravé ses parents pour manifester au prix de sa vie, et un poème de Kateb Yacine clôturent l’album.

Musique : l’Histoire sur écoute

La musique a également investi le champ de la guerre franco-algérienne, en revêtant différents aspects.

Militante, avec le maître de la chanson berbère Slimane Azem et son Effegh a ya jrad tamurt iw (« Sauterelles, quittez mon pays »).
Mélancolique avec Algérie, de Serge Lama, décrivant le départ des soldats durant l’été 1962.
Pro-colonialiste, incarné par Michel Sardou et son Le Temps des colonies.
Symbolique, avec Adieu mon pays, devenu l’hymne des Pieds-Noirs, interprété par Enrico Macias.

Côté rap, 17 Octobre, de Médine, et 3e Guerre, de Sefyu, sont des chansons très fortes relatant cette histoire à l’écho retentissant dans leurs propres vies au quotidien... Sans oublier Dans la gueule du loup, le poème de Kateb Yacine mis en musique par le groupe Têtes raides.

Arts vivants : la scène pour exister

Une prise de rang artistique émerge avec deux pièces de théâtre et une création chorégraphique.

Mohamed Rouabhi, en 2002, écrit et met en scène Requiem Opus 61, conçu pour 7 comédiens, sous forme d’oratorio poétique théâtral mêlant chants, musique et extraits de presse de l’époque. Adel Akim, auteur, comédien et directeur du théâtre des Quartier d’Ivry met en scène, en 2011, La Pomme et le Couteau de l’auteur algérien Aziz Chouaki, sur des textes du sociologue Abdelmalek Sayad et de l’historien Jean-Luc Einaudi.

Le chorégraphe Mehdi Slimani, compagnie No Mad, monte un spectacle pour 6 danseurs, Disparus. Sous une forme codifiée par la danse hip-hop, les tableaux s’enchaînent, reconstituant le couvre-feu, la mobilisation... Un spectacle présenté à l’occasion de l’inauguration de la place du 17-octobre-1961, au Blanc-Mesnil (93).


Première parution de cet article dans Salamnews, n° 31, octobre 2011.





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